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mardi 3 août 2021

Séverine Leduc : “C’est certainement parce qu’il a un fonctionnement neuroatypique qu’Elon Musk est capable de faire ce qu’il fait”

Séverine Leduc, propos recueillis par Pierre Terraz publié le  

Quand l’entrepreneur excentrique Elon Musk révèle être atteint du syndrome d’Asperger, c’est tout le mythe de l’autiste génial et surdoué qui rejaillit soudainement. Mais au fait, d’où vient ce lien a priori infondé – et pourtant solidement ancré dans nos consciences – entre génie, autisme et solitude ? Réponse avec Séverine Leduc, psychologue et spécialiste de l’autisme.

Peut-on définir le syndrome d’Asperger ?

Séverine Leduc : Peu de personnes le savent, mais « Asperger » est un terme qui n’est plus valable médicalement. Nous parlons désormais de « troubles du spectre autistique ». C’est un spectre qui rend mieux compte de la grande diversité des formes d’autisme, puisqu’on a des gens qui sont en grande difficulté alors que d’autres le sont moins, comme Elon Musk. Si Elon Musk s’est spécifiquement présenté comme « Asperger », c’est parce que cela le distingue des autistes ayant un retard intellectuel fort : c’est d’ailleurs le choix que font de nombreux patients qui font leur « coming-out ». Pour vous donner tout de même une définition générale, l’autisme est un fonctionnement différent du cerveau qu’on appelle « neuroatypique », et qui s’oppose à un fonctionnement dit « neurotypique ».

Peut-on quantifier les différents degrés de l’autisme, sur ce spectre ?

Il y a autant d’autismes différents qu’il y a d’autistes… mais on peut dégager un noyau dur de l’autisme. La première caractéristique commune est le trouble de la réciprocité émotionnelle, c’est-à-dire la difficulté à percevoir ce qui est envoyé par votre interlocuteur sur le plan émotionnel. Lorsqu’on a du mal à percevoir ce que l’autre nous envoie, on a aussi du mal à s’adapter à la conversation, à réagir de manière adéquate. Par exemple, Mark Zuckerberg est soupçonné d’être autiste – même si cela n’a jamais été confirmé médicalement –, car il a souvent des comportements autistiques sur ce plan. Dans le film The Social Network [de David Fincher, 2010] qui retrace son parcours, cela est assez bien décrit à plusieurs reprises. Il y a notamment cette scène où il prend un café avec sa copine, et où il ne perçoit absolument pas son malaise quand elle tente de se confier à lui. Ce trouble de la réciprocité émotionnelle génère donc des « faux pas sociaux » : la réaction n’est tout simplement pas celle qui est attendue. Une autre caractéristique de l’autisme est l’hyperconnectivité neuronale, c’est-à-dire que les autistes ont beaucoup plus de connexions neuronales que les neurotypiques. Concrètement, ils établissent des liens entre des idées, des mots ou des pensées beaucoup plus forts qu’une personne « classique ». Par exemple, un autiste peut traiter de la même manière le bruit de la pluie contre la vitre que l’explication que son supérieur lui donne au même moment : il n’y aura pas de hiérarchisation dans le traitement de ces deux informations. Cela peut paraître négatif du point de vue d’un neurotypique, mais c’est tout simplement une autre manière de percevoir le monde.

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