par Nathalie Raulin et Mathilde Frénois, correspondante à Nice. publié le 14 juillet 2021
L’étau se resserre sur les personnels non vaccinés des établissements de santé et des Ehpad. Au lendemain de l’allocution présidentielle, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, a donné un avant-goût de ce qui guettait les réfractaires à la piqûre. Le projet de loi, qui sera présenté lundi en Conseil des ministres et examiné d’ici fin juillet par le Parlement, devrait intégrer des sanctions que le gouvernement veut dissuasives. Selon la ministre, les soignants qui ne seraient pas vaccinés au 15 septembre s’exposeront à une suspension de leur contrat de travail de quelques semaines, le temps de recevoir leurs deux doses. Durant cette période, le salarié «ne sera pas payé et ne viendra plus travailler», a précisé Borne. S’il persiste dans son refus du vaccin, «une mise à pied de quelques jours», voire «un licenciement», ne serait pas exclu, a martelé la ministre.
«Depuis ce matin, c’est le rush»
Avant même que la menace ne se précise, les lignes ont commencé à bouger au sein des hôpitaux. «Depuis ce matin, c’est le rush sur les rendez-vous vaccinaux, signale le docteur Christophe Trivalle, référent vaccination de l’AP-HP à l’hôpital Paul-Brousse. Alors que les centres du groupement hospitalier s’apprêtaient à se mettre en repos pour l’été, on réactive nos dispositifs.» Face au sursaut de la demande à Paris, l’Hôtel-Dieu notamment s’organise pour pouvoir administrer jusqu’à 1000 injections quotidiennes, deux fois plus qu’avant l’intervention présidentielle. C’est que, désormais convaincus de ne pouvoir couper au vaccin, nombre de soignants s’y résolvent. «J’ai pris rendez-vous avec la psychologue de l’hôpital pour me rassurer, témoigne Olga (1), aide-soignante à Paul-Brousse. J’ai la frousse, je ne suis pas prête. Je vais faire le vaccin puisqu’on m’y oblige. Mais quand même, ce n’est pas normal qu’on puisse me menacer de perdre mon travail à cause de cela. On a surmonté la première, la deuxième, la troisième vague, ce n’est pas la quatrième qui va nous dépasser…» L’attentisme, voire le refus, n’ont toutefois pas disparu. «Je vais attendre le décret», fanfaronne une collègue d’Olga quand une autre se dit prête à «travailler dans un autre secteur».
Agent hospitalier au service réanimation de l’hôpital de Nice, Malek est sur la même longueur d’onde : «Il n’est pas question que je me fasse vacciner à cause de mon travail. S’ils nous obligent, je ne resterai pas dans le domaine médical. Je démissionnerai, je changerai de voie.» Alors même que la plupart de ses collègues ont consenti au vaccin, la jeune fille campe sur son refus : «J’ai 22 ans, je suis jeune. Je ne sais pas ce qui pourrait arriver à ma santé dans les prochaines années si on m’injecte ce produit. J’ai peur des risques.»
«Moi, j’appelle ça du chantage»
Ces craintes, Rémy, infirmier dans un hôpital breton, les partage : «Je refuse de me faire injecter un vaccin qui n’a qu’une autorisation temporaire de mise sur le marché et dont les effets à long terme ne sont pas connus ! Je ne suis vraiment pas sûr que juridiquement ils peuvent me l’imposer. Il y a des collectifs qui se montent pour attaquer cela en justice.» Dans le milieu paramédical, peu jettent la pierre aux récalcitrants : «Macron t’explique que si tu ne te fais pas vacciner, tu ne seras pas payé, puis après un avertissement et après on vire. Il n’y a rien qui choque ? Moi, j’appelle ça du chantage,s’indigne Jérémy, aide-soignant à l’hôpital de Nice. Je me suis fait vacciner pour voyager en toute liberté, pas par peur du Covid. Mais que le gouvernement nous y force, sur le principe, ça me choque.»
Surtout, beaucoup de paramédicaux ne croient pas aux menaces agitées par le gouvernement : «Les soignants en ont tellement assez du Covid que beaucoup veulent partir, constate Rémy. L’obligation vaccinale ne va pas arranger les choses. Du coup on voit mal comment les directions des hôpitaux vont pouvoir se passer de nous : depuis dix-huit mois, on nous rappelle sans cesse sur nos jours de repos, et on fait des heures supplémentaires à gogo. On dirait que le gouvernement vit sur une autre planète…»
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