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vendredi 23 juillet 2021

Covid-19 : en France, une triple fracture vaccinale

Par   Publié le 25 juillet 2021

Les données calculées par le géographe de la santé Emmanuel Vigneron mettent en évidence une France divisée sur le plan de la vaccination entre Nord-Ouest et Sud-Est, entre centres urbains et périphéries, ainsi qu’entre communes riches et pauvres.

Dans un centre de vaccination installé dans le hall d’exposition de Nantes (Loire-Atlantique), le 9 avril 2021.

C’est une photographie inédite de la France vaccinée contre le Covid-19, et de celle qui ne l’est pas, ou moins. A l’heure où l’Etat s’attelle à durcir les règles du passe sanitaire pour inciter le plus grand nombre à la vaccination, sur fond de reprise épidémique, plusieurs lignes de « fracture » vaccinale traversent le pays.

Un territoire bien vacciné dans l’Ouest et le Nord, en retard dans le Sud-Est ; mieux dans les villes qu’aux périphéries ; plus fortement dans les communes aisées, moins chez les plus défavorisées… En s’appuyant sur les dernières données de l’Assurance-maladie publiées le 19 juillet, Emmanuel Vigneron, géographe de la santé, a calculé un « indice comparatif de la vaccination », à l’échelle des intercommunalités. Et ce, en écartant un biais majeur qui peut parfois constituer « l’arbre qui cache la forêt » : l’effet de l’âge.

Dans une campagne vaccinale où cette caractéristique, principal facteur de risque face à la maladie, a déterminé l’accès à la vaccination au fil des derniers mois, la composition de chaque territoire, plus ou moins âgé, peut en effet masquer la réalité du niveau de vaccination atteint. « Grâce à cette méthode, on peut voir les phénomènes culturels, sociaux, économiques, qui jouent dans le niveau de vaccination de la population selon les territoires, indépendamment de l’âge », résume le professeur Vigneron.

« Refus de ce qui vient de “Paris” »

L’indice révèle ainsi une France divisée par une diagonale qui part du sud-ouest de l’Occitanie jusqu’à l’est du pays autour de Mulhouse (Haut-Rhin), séparant un Nord et une grande partie de l’ouest du pays bien vaccinés, quand le Sud-Est, au premier rang duquel la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et une partie du centre du pays accusent un fort retard. « C’est ici un grave défi posé aux politiques vaccinales quand on connaît la recrudescence actuelle de l’épidémie dans les Pyrénées-Orientales, l’Hérault ou sur la Côte d’Azur », pointe M. Vigneron.

Indice de vaccination des intercommunalités* par rapport à la moyenne française, en % au 4 juillet (sur le nombre cumulé de premières doses)

Territoires sous-vaccinés
par rapport à la moyenne française
Moyenne
France
(0)
Territoires sur-vaccinés
par rapport à la moyenne française

* sauf pour la Métropole du Grand Paris, la Métropole de Lyon et la métropole Aix-Marseille-Provence (données communales) et Paris, Lyon, Marseille (données à l'arrondissement)

Métropole du Grand Paris

Métropole de Lyon

Marseille

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Mayotte

Une opposition est-ouest qui ne suit surtout en rien l’intensité de l’épidémie du Covid-19 des seize derniers mois. Celle-ci a touché de plein fouet le Sud autour de Nice, la Côte d’Azur, Marseille, lors des deuxième et troisième vagues, ou encore le Haut-Rhin dès la première vague, des territoires qui ne se sont pas précipités sur le vaccin, au contraire. A l’inverse, la Bretagne et la Nouvelle-Aquitaine, bien moins éprouvées, figurent parmi les plus vaccinées. La pointe du Finistère-Nord arrive en tête des intercommunalités les plus avancées dans la vaccination, quand les territoires ultramarins de Guyane, Guadeloupe et Martinique ferment le peloton.

Cette carte, qui traduit en partie l’adhésion vaccinale des habitants, « montre que les causes sont à chercher au-delà de la santé : dans la perception de la maladie, qui est peut-être plus importante que le vécu de l’épidémie », reprend Emmanuel Vigneron. Difficile aussi de ne pas interroger cette si forte sous-vaccination du Sud-Est. « Cela illustre probablement une certaine difficulté de pénétration des discours officiels, un refus de ce qui vient de “Paris”, ou encore un sentiment antigouvernemental », suggère-t-il.

Avec cette perspective géographique sur les six mois de campagne vaccinale, on peut désormais voir certaines régions, qui ont pu paraître « championnes » de la vaccination au printemps, se retrouver désormais en deçà du reste du pays, comme la Corse. Si l’île pouvait mi-juillet encore se situer proche de la moyenne nationale en pourcentage d’habitants ayant reçu deux doses de vaccin, cela ne l’empêchait pas d’être en retard dans chaque catégorie d’âge, la surreprésentation des populations âgées bien plus vaccinées que les autres faussant la réalité du rythme de vaccination.

Fracture entre villes et périphéries

En zoomant à l’intérieur des régions et départements, d’autres fractures spatiales se révèlent. Ainsi celle qui sépare une France des villes et des métropoles, bien plus vaccinée, d’une France des champs, qui l’est moins. Ou plus précisément, une fracture entre centres et périphéries.

Cela vaut pour Dijon et la Côte-d’Or comme pour Clermont-Ferrand, Troyes ou Rodez. Si la ville moyenne et une grande partie de la première couronne l’entourant sont très vaccinées, à mesure que l’on s’éloigne du centre, le retard paraît toujours plus grand. Une tendance confirmée par l’exemple breton, un modèle inversé où les centres urbains, situés sur la périphérie régionale, comme Vannes, Brest ou encore Saint-Malo et Rennes, se trouvent bien plus vaccinés que les espaces au cœur de la région, qui constituent la « périphérie ».

C’est aussi une ligne sous-vaccinée qui traverse les zones montagneuses et les territoires ruraux, allant des Hautes-Pyrénées et Pyrénées-Orientales jusqu’à Mulhouse et Besançon, en passant par le Lot, les Cévennes, le Massif central ou encore le Morvan. Seuls les habitants des villes y apparaissent bien vaccinés, comme à Toulouse, Montpellier, Lyon et Grenoble. « Est-ce que cela révèle aussi une problématique d’accès à la vaccination ? », interroge Emmanuel Vigneron, rappelant qu’une grande partie des centres de vaccination se situent dans les territoires urbains.

Reste une fracture incontournable, particulièrement flagrante lorsqu’on pose la loupe à l’intérieur des métropoles – le Grand Paris, Lyon ou Marseille –, ce sont les disparités sociales qui ressortent très nettement. Avec parmi les moins vaccinés, ces arrondissements plus populaires du Nord-Est parisien, la Seine-Saint-Denis ou encore l’est de la Seine-et-Marne, de même que les quartiers nord de Marseille (13e, 14e, 15e et 16e), ou encore Vénissieux, Vaulx-en-Velin, Givors dans la région lyonnaise. A l’inverse, l’Ouest parisien et francilien, les 5e et 7arrondissements marseillais et les beaux quartiers lyonnais, au centre dans le 3arrondissement et sur les hauteurs de la Saône derrière Fourvière, concentrent un grand nombre de vaccinés.



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