Marie Vaton est journaliste. Pendant 2 ans, elle a enquêté sur les enfants placés, puis écrit le livre Enfants placés, il était une fois un naufrage aux éditions Flammarion, où elle tente de mieux comprendre l’opaque système de l’Aide Sociale à l’Enfance.
LMDM : Comment en êtes-vous venue à enquêter sur ce sujet ?
Marie Vaton - En 2014, j’ai commencé à m’intéresser au sujet des enfants placés suite à la lecture du livre de Lyes Louffok, que j’ai pu rencontrer. De fil en aiguille, j’ai commencé à écrire plusieurs enquêtes. En 2018, on était en pleine grève des travailleurs sociaux. Je découvre alors une tribune des juges pour enfants de Bobigny, qui écrivent qu’ils sont devenus les juges de mesures fictives, car les délais d’applications sont trop longs. Parallèlement, à Lille, des centaines de travailleurs sociaux étaient dans les rues, pour expliquer leurs difficultés. J’ai rencontré des assistantes sociales dans le 93, qui m’ont raconté l’histoire poignante d’une petite fille pour laquelle elles avaient signalé des maltraitances, mais le parquet ne se saisissait pas du signalement. Puis j’ai reçu des dizaines de témoignages : de magistrats, assistantes sociales, psychologues scolaires, familles d’accueil, éducateurs, qui m’ont dit : "Venez voir comment cela se passe chez nous, moi j’ai telle situation, moi j’ai dénoncé ceci ou cela"… J’ai été submergé par un flot d’informations, et je me suis dit qu’il y avait là quelque chose d’important. C’est ainsi que j’ai commencé la série journalistique "Informations préoccupantes" où je racontais, comme des signaux d’alerte, les témoignages de toutes ces personnes.
Comment votre enquête a t-elle été perçue par les travailleurs sociaux ?
Pas tellement bien, au début. Déjà, beaucoup de travailleurs sociaux sont soumis à un devoir de réserve. Et puis, une grande méfiance envers les médias, car souvent on s’intéresse à eux via des faits-divers. Des faits divers, qui en fait, n’en sont pas : un enfant est violé toutes les heures, 2 enfants meurent chaque semaine sous les coups de leurs parents, 36% des enfants décédés étaient déjà suivis par l’ASE (Aide Sociale à l'Enfance, NDLR). Les journalistes s’emparent de ces faits-divers, parfois avec peu de précautions, et les travailleurs sociaux sont souvent montrés du doigt. Dans l’affaire Marina par exemple (l’affaire Marina est une affaire judiciaire française liée au décès de la petite Marina Sabatier, 8 ans, en août 2009 et à la suite de sévices infligés par ses deux parents, au terme d'une vie de maltraitances, NDLR) de nombreux signalements avaient été faits, la petite fille était suivie par les services sociaux, qui ont été trompés par les parents, il y eu un énorme turn-over des éducateurs… La faillite de tout le système de la protection de l’enfance était manifeste, pour cette affaire et bien d’autres.
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