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mardi 25 février 2020

Contre le risque de schizophrénie, mieux vaut avoir des parents riches !

Publié le 25/02/2020




« Si l’argent ne fait pas le bonheur, il permet en tout cas de choisir son genre de misère préféré. » On songe à cet aphorisme (attribué à l’acteur et humoriste Pierre-Jean Vaillard), en prenant connaissance d’une étude de cohorte réalisée sur une population du Danemark (1 051 033 participants dont 51,3 % d’hommes, nés entre le 1er Janvier 1980 et le 31 Décembre 2000) représentant in fine un suivi équivalent à 11,6 millions de personnes-années.

Pour 7 544 personnes (dont 54,7 % d’hommes) de cette cohorte a été posé le diagnostic de schizophrénie. Or les résultats de cette étude suggèrent que le niveau du revenu des parents pendant l’enfance est lié au risque de schizophrénie chez la progéniture. Plus précisément, les auteurs observent une « association inverse entre niveaux de revenus parentaux et risques subséquents de schizophrénie chez les enfants », ceux des familles à faible revenu ayant un risque particulièrement élevé. On constate l’existence d’une association de type « dose-réponse », l’augmentation du temps passé dans des conditions de faible revenu étant ainsi associée à un risque de schizophrénie plus important. Et quel que soit le niveau financier des parents à la naissance de l’enfant, une « mobilité ascendante » de leurs revenus (c’est-à-dire leur augmentation) est associée à une diminution du risque de schizophrénie.

Relation inverse entre les revenus des parents et le risque de schizophrénie chez l’enfant

Les auteurs donnent un exemple concret de cet effet quasi « préventif » de l’argent et (à l’inverse) de l’effet quasi « pathogène » du manque d’argent : les enfants nés et restés dans le quintile de revenu le plus bas à l’âge de 15 ans ont un risque très élevé (Odds Ratio OR = 4,12 ; intervalle de confiance à 95 % IC 3,71–4,58) par rapport au groupe de référence (les enfants nés et restés dans le quintile le plus riche) ; mais au contraire, pour les sujets nés dans le quintile le plus riche, la « mobilité du revenu à la baisse » (sa dégradation) entre la naissance et l’âge de 15 ans est associée à des risques accrus de schizophrénie. Autre constat remarquable : une amélioration des revenus parentaux (passage du quintile de revenu le plus bas au quintile immédiatement supérieur, 15 ans plus tard) tend à réduire le risque auparavant quadruplé de schizophrénie (OR = 2,80 ; IC 2,46–3,17).

Cette association épidémiologique inverse entre le niveau de revenu des parents et le risque de schizophrénie chez leurs enfants confirme que les seules considérations médicales n’épuisent pas tout le champ du risque psychiatrique. Bien qu’il soit très difficile de départager divers facteurs confondants, éventuellement impliqués dans cette association et contribuant peut-être aussi à majorer ou à diminuer le risque (biais de sélection, urbanisation, antécédents psychiatriques familiaux, niveaux d’études des parents, etc.), il est probable qu’une politique économique visant à promouvoir l’ascension sociale (augmentation des salaires, réduction des prélèvements obligatoires, baisse du chômage...) contribuerait efficacement à « réduire l’incidence de la schizophrénie dans la population générale. »

Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCES
Frank RG : Reflections on the link between income during childhood and risk of developing schizophrenia. JAMA Psychiatry, 2020; 77: 11–12.
Hakulinen C et coll.: Association between parental income during childhood and risk of schizophrenia later in life. JAMA Psychiatry, 2020; 77: 17–24.

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