Le Tribunal fédéral de Karlsruhe était saisi par des associations allemandes et suisses d’aide au suicide, des médecins et des patients.
La Cour constitutionnelle allemande a censuré, mercredi 26 février, une loi interdisant l’assistance au suicide par des médecins ou des associations, une décision cruciale dans un pays où l’Eglise catholique reste influente.
Saisie par des associations allemandes et suisses d’aide au suicide, des médecins et des patients, la Cour de Karlsruhe a estimé qu’une loi de 2015 proscrivant l’assistance « organisée » au suicide était inconstitutionnelle.
Cette loi privait les patients en phase terminale du « droit de choisir [leur] mort », a déclaré Andreas Vosskuhle, président de la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe. Le président de la Cour a fait valoir :
« Ce droit inclut la liberté de s’ôter la vie et de demander de l’aide pour le faire (…) Le droit de choisir sa mort n’est pas limité à certaines phases de la vie et de la maladie. »
Refus de demandes de malades
Depuis quatre ans, des signaux contradictoires ont été envoyés sur le sujet, rendant illisible ce qui est permis ou pas. En 2015, le Bundestag, au terme d’échanges passionnés, avait banni l’« assistance organisée au suicide », passible de trois années de prison, ainsi que la promotion du suicide assisté.
Mais deux ans plus tard, la Cour administrative de Leipzig, plus haute juridiction administrative allemande, avait rendu une décision surprise : les juges avaient considéré que « dans des cas exceptionnels, l’Etat ne peut empêcher l’accès d’un patient à des produits anesthésiques qui lui permettraient de se suicider de manière digne et sans douleur ».
Ce tribunal avait été saisi par le mari d’une femme entièrement paralysée en 2002 par un accident et qui avait dû aller en Suisse pour bénéficier d’un suicide assisté en 2005.
L’application de cette décision était cependant bloquée depuis deux ans, sur instruction du ministère de la santé à l’Institut fédéral des médicaments, qui a dû refuser « plus de cent demandes de malades », selon la Deutsche Press-Agentur (DPA).
Le ministre conservateur de la santé, Jens Spahn, « doit à présent renoncer à son opposition à la remise des médicaments nécessaires », a réagi la vice-présidente du groupe social-démocrate au Bundestag, Bärbel Bas.
Selon la Cour, le législateur dispose d’un « large éventail de possibilités », telles que des obligations d’information et d’attente, pour réglementer l’assistance au suicide. Mais, a-t-elle ajouté, l’aide ne doit pas être subordonnée au diagnostic d’une maladie incurable. Le président de la Cour a estimé :
« Nous pouvons regretter la décision [d’un malade de choisir de mourir], nous pouvons tout essayer pour le faire changer d’avis, mais nous devons finalement accepter sa libre décision. »
Disparités entre les pays européens
La question est sensible dans un pays où les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses, mais aussi où le spectre du nazisme continue de flotter, le IIIe Reich ayant eu largement recours à l’euthanasie contre les handicapés.
L’Eglise catholique, entendant faire pression sur les juges de Karlsruhe, avait clairement énoncé sa position. L’archevêque de Berlin, Mgr Heiner Koch, avait mis en garde au début des débats, en avril, contre tout « changement du système de valeurs » par la Cour et dit espérer « un signal fort pour la protection de la vie ».
L’assistance médicale à la fin de vie est en revanche soutenue par plus de huit Allemands sur dix (81 %), selon un sondage Infratest-Dimap. Le suicide relevant en Allemagne du droit constitutionnel « à l’autodétermination », médecins et proches souhaitaient une sécurité juridique accrue dans l’accompagnement des patients, notamment en cas d’arrêt d’un traitement conduisant à la mort.
Sur ce sujet des disparités perdurent entre pays européens. Trois ont légalisé l’euthanasie : Pays-Bas, Belgique et Luxembourg. D’autres, comme la France, les pays scandinaves, l’Espagne et le Portugal tolèrent, eux, une forme d’aide à la mort, avec l’administration de traitements antidouleur aboutissant à abréger la vie d’un malade incurable. La Suisse et le Royaume-Uni sont également sur cette ligne.
Les pays à forte tradition catholique, tels que l’Irlande et la Pologne, restent réfractaires à toute aide à la mort. En Italie, en revanche, la Cour constitutionnelle a dépénalisé en septembre le suicide assisté.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire