| 27.02.2019
Des équipes AP-HP/Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM)/INSERM/CNRS/Sorbonne Université ont développé un outil basé sur l'appréciation des infirmiers et des aides-soignants qui permet d'affiner le diagnostic des patients en état de conscience altérée (état végétatif, état de conscience minimale…). Cet outil, appelé DoC-feeling, fait l'objet d'une publication dans « The British Medical Journal Open ».
« L'approche que nous avons développée permet de quantifier la perception subjective des soignants et de la corréler aux critères scientifiques validés », indique au « Quotidien » le Dr Bertrand Hermann, neurologue et co-premier auteur de l’étude.
L'intérêt de l'intelligence collective
Le ressenti des soignants est recueilli à l'aide d'une échelle visuelle analogique allant de 0 à 10, basée sur le même principe que celle utilisée pour évaluer la douleur. Plusieurs questions ont été posées aux soignants, la principale étant : « Le patient vous semble-t-il présent ? » Le point 0 correspond à l'absence du patient et le 10 à un état conscient. « Les infirmiers et les aides-soignants ont des interactions assez standardisées avec les patients à différents moments de la journée qui leur permettent d'avoir un ressenti sur l'état de conscience du patient », souligne le Dr Hermann.
Quelque 47 patients hospitalisés dans le service de réanimation neurologique de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) ont été inclus. « Chaque infirmier et aide-soignant évaluaient une fois par jour l'état du patient à l'aide de l'échelle », précise le Dr Hermann. Ces évaluations – près de 700 au total réalisées par plus de 80 soignants – ont permis d'établir un score collectif hebdomadaire allant de 0 à 100 pour un patient donné.
Les résultats de ces évaluations étaient étroitement corrélés aux données de l'approche de référence basée sur l'échelle de récupération du coma (Coma Recovery Scale) et la neuro-imagerie. Associé à cette approche classique, DoC-feeling permet une évaluation plus globale de l'état de conscience du patient et ainsi d'affiner son diagnostic. « Nos résultats montrent l'intérêt de l'intelligence collective : la mise en commun des évaluations de différents soignants présente un intérêt diagnostique », souligne le neurologue.
Une version 2.0 en développement
« DoC-feeling n'a pas vocation à remplacer l'approche classique, mais à la compléter. Il permet de multiplier les observations des patients dont l'état peut fluctuer et ainsi de prendre en compte des aspects délaissés par l'approche clinique, tels que les émotions », estime le Dr Hermann, qui ajoute que « cet outil a également l'intérêt de valoriser les informations recueillies par les soignants, qui seraient sinon perdues ».
Cette approche permet également de mieux renseigner la famille. « Parfois, tous les infirmiers et aides-soignants vont surévaluer l'état de conscience par rapport à celui évalué par les examens standards, car il existe des signes trompeurs de conscience. DoC-feeling va nous permettre d'avoir une évaluation plus proche de celle des familles et ainsi de mieux leur expliquer ces discordances », illustre le Dr Hermann.
Au sein de l’équipe du Pr Lionel Naccache à l'ICM, le neurologue travaille déjà, avec le Dr Benjamin Rohaut à l’initiative du travail, sur une « version 2.0 » de DoC-feeling : « nous développons une version plus automatisée, avec une application ». Reste aussi à valider cet outil sur un plus grand nombre de patients, dans un essai multicentrique.
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