Une nouvelle infrastructure, dans les Hauts-de-Seine, va explorer l’immunité in vivo chez le primate non humain.
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | | Par Florence Rosier
Comment, dans l’organisme vivant, suivre en temps réel l’activité de chaque « soldat de l’immunité » ? Comment retracer, in vivo, le combat de cette immense armée de l’ombre, à mesure qu’elle déploie ses bataillons pour neutraliser un virus, une bactérie ou un parasite ? Quels effets provoquent un candidat-médicament ou vaccin sur ces cellules de l’immunité et sur le germe à combattre ?
Ces questions sont autant de défis, si l’on veut développer de nouvelles armes de prévention et de traitement des maladies infectieuses. Ce qu’entend relever une nouvelle infrastructure de recherche : Idmit (Infectious Diseases Models for Innovative Therapies). Inaugurée le 26 juin à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine), elle associe le CEA, l’Institut Pasteur, l’Inserm, l’université Paris-Sud, l’ANRS et la société Oncodesign.
Idmit offre à la communauté scientifique, académique ou privée des outils « uniques en Europepour la recherche préclinique sur les maladies infectieuses ou auto-immunes humaines, se réjouit Roger Le Grand, du CEA, responsable de cette nouvelle structure. La seule installation similaire se trouve à Bethesda, aux Etats-Unis ». Ses missions : explorer les effets des médicaments, la réponse de l’hôte ou la dissémination des pathogènes sur des modèles de primate, sans que l’analyse perturbe ces processus. « 40 % de l’activité d’Idmit sera consacrée au VIH. Nos autres priorités sont la lutte contre la grippe, le virus Zika, la dengue, le chikungunya, la tuberculose, la coqueluche, le paludisme… »,ajoute Roger Le Grand.
Les atouts de cette nouvelle plate-forme : rassembler des techniques d’imagerie ultraprécises (à l’échelle de la cellule et de ses molécules fonctionnelles), mais aussi capables d’explorer le corps entier d’un primate non humain, de façon non invasive. Autre originalité : ces examens pourront être réalisés dans des conditions de confinement biologique de type L3 – qui permet la manipulation de micro-organismes au pouvoir pathogène important chez l’homme, mais contre lesquels on dispose d’une prévention ou de traitements efficaces. « La moitié du coût du bâtiment d’Idmit tient aux contraintes liées au confinement biologique », précise Roger Le Grand.
Imagerie in vivo
Idmit a bénéficié d’un financement de 41,5 millions d’euros, dont 27 millions sont issus du « grand emprunt » (« investissements d’avenir »), et 11,5 millions du CEA et de ses partenaires, pour les équipements. A cela s’ajoutent, par « effet levier », des dotations de l’ANR, de la Région Ile-de-France, de l’Europe, de la Fondation Bettencourt Schueller…
Aux étages, se trouve l’expérimentation « classique ». Ici, une plate-forme de cytomètres en flux. Ces appareils analysent, ex vivo, les biomarqueurs portés par les cellules du système immunitaire : autant de cibles potentielles pour de nouvelles stratégies vaccinales ou antivirales. « Nous pouvons analyser 30 000 cellules/s portant 18 biomarqueurs différents », précise Antonio Cosma, du CEA.
Direction le sous-sol, qui abrite les deux grands équipements d’imagerie in vivo. Le PET-Scan, d’abord : il couple l’imagerie fonctionnelle (tomographie par émission de positons, ou TEP) et anatomique (scanner par rayons X). La machine a été installée ici il y a quelques jours à peine. Cette technologie bénéficiera du cyclotron du CEA, tout proche : il produira les radio-isotopes servant de traceurs pour suivre, dans le corps entier, la distribution d’une molécule (médicament, antigène infectieux, anticorps…). Une proximité précieuse, vu la demi-vie très courte de ces radio-isotopes. « On dispose de très peu de temps pour accrocher l’isotope radioactif sur la molécule à suivre, vérifier la qualité de l’accrochage, injecter la molécule marquée dans l’animal et suivre son devenir in vivo », résume Anne Flüry-Hérard, directrice de l’institut de biologie François-Jacob du CEA.
Le second grand équipement est le microscope biphotonique. « Il permettra de suivre les interactions entre le système immunitaire du primate et un virus ou un vaccin, dans le tissu cutané et dans les ganglions lymphatiques superficiels. Un seul équivalent existe au monde, à Singapour, mais il est consacré à l’analyse de la tête », indique Céline Mayet, du CEA.
Un exemple des projets menés ici : comment cibler le VIH quand il se retranche dans les follicules des ganglions lymphatiques ? On sait que les singes verts d’Afrique résistent naturellement à l’infection par le virus du sida du singe (SIV). Comment ? « Nous avons montré qu’ils mobilisent des cellules NK[cellules tueuses naturelles du systèmes immunitaire] qui vont rapidement contrôler la réplication du SIV dans ces sanctuaires », explique Michaela Muller-Trutwin, responsable de l’unité VIH, inflammation et persistance à l’Institut Pasteur. Pourrait-on reproduire ce contrôle efficace chez l’homme ? « Nous évaluons des stratégies de stimulation des cellules NK chez le macaque. Ce primate n’est pas protégé du SIV comme le singe vert. »
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