Le suicide est la deuxième cause de décès après les accidents de la route chez les 10-24 ans. De nombreux travaux ont montré que la moitié des adolescents qui décèdent par suicide ont des antécédents d’automutilation. En savoir plus sur l’incidence et la prise en charge de l’automutilation paraît donc essentiel pour réduire le passage à l’acte suicidaire des adolescents.
Une étude récente, réalisée au Royaume-Uni, est une mine de données pour la mise à jour des connaissances sur le sujet. Les auteurs ont réalisé une étude de population sur les éléments recueillis auprès de 647 patientèles de médecins généralistes. Les auteurs avaient pour objectif d’observer l’évolution de l’incidence des automutilations à travers le temps et leur prise en charge, et d’établir si les automutilations avaient un lien avec une cause de mortalité spécifique. Au total près de 17 mille patients âgés de 10 à 19 ans ont commis un acte d’automutilation entre 2001 et 2014. La moitié d’entre eux était éligible pour une comparaison avec des adolescents du même âge, sexe et appartenant à la même patientèle. Chaque patient a été comparé avec 20 autres, n’ayant pas d’antécédent d’automutilation.
Augmentation d’incidence au fil du temps
Il apparaît que l’incidence annuelle des automutilations est largement supérieure chez les filles (37,4 pour 10 000 vs 12,3 pour 10 000 chez les garçons). Cette incidence annuelle augmente au fil du temps chez les filles et particulièrement chez les très jeunes de 13 à 16 ans entre 2011 et 2014, où elle passe de 45,9 pour 10 000 à 77 pour 10 000. Cette tendance avait déjà été notée dans d’autres études et ne semble pas être liée à un biais, mais plutôt à l’émergence de nouveaux problèmes psychologiques chez les jeunes filles de cet âge. Les auteurs évoquent un mode de vie plus stressant, mais surtout l’exposition aux réseaux sociaux voire l’accès à des sites qui encouragent l’automutilation en réaction à des évènements difficiles. Une étude récente soulignait qu’au-delà de l’âge de 12 ans, 2 fois plus de jeunes filles étaient insatisfaites de leur apparence en 2014 par rapport à 2008. Quant à la différence filles-garçons, elle peut être en partie expliquée par le fait que les premières consultent davantage leur médecin que les garçons du même âge.
Un risque accru de suicide
Plus d’un adolescent sur 4 se voit prescrire un antidépresseur après un épisode d’automutilation. Le recours au psychiatre ou au psychologue est peu fréquent, sans doute le reflet d’un accès difficile aux services de santé mentale, notamment pour les enfants vivant dans un milieu social défavorisé. Ce constat est d’autant plus déplorable qu’il apparaît que les adolescents ayant un antécédent d’automutilation ont 9 fois plus de risque de décéder accidentellement au cours du suivi, particulièrement par suicide (Hazard Ratio 17,5 ; intervalle de confiance à 95 % : 7,6 à 40,5), intoxication alcoolique aiguë ou overdose.
Ces données mettent en relief plusieurs points et particulièrement la nécessité urgente de préciser les causes de cette augmentation des automutilations. Elles indiquent aussi le rôle essentiel des médecins de premier recours et la nécessité d’établir des recommandations pour la prise en charge en soins primaires de ces adolescents en souffrance, prise en charge qui devrait intégrer les familles et le milieu scolaire.
Dr Roseline Péluchon
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