Chaque année en France, 6 000 personnes découvrent leur séropositivité. Pour les jeunes, qui considèrent le sida comme une maladie chronique, le préservatif n’a plus la cote.
LE MONDE | | Par François Rousseaux
La capote nous ferait-elle le coup de la panne ? Demandez à un médecin des plus avisés de quand date la dernière grande étude en France sur le préservatif, et c’est le blanc assuré. C’est dire à quel point celui-ci a fait ses preuves comme outil de contraception et de prévention. 108 millions sont vendus en France chaque année – un chiffre stable – et 6 millions sont distribués gratuitement. 80 % des personnes interrogées en ont une bonne image. « Mais cela ne suffit pas pour qu’il soit utilisé », souligne Nathalie Lydié, responsable de l’unité santé sexuelle à Santé publique France.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : chaque année, en France, plus de 6 000 personnes découvrent leur séropositivité. « Nous sommes à un tournant, avec de multiples constats d’un usage insuffisant »,indique le professeur Willy Rozenbaum, qui fut en 1981 le premier médecin français à diagnostiquer un malade du sida.
La capote a moins la cote. Chez les hétéros comme chez les personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres), les jeunes l’utilisent de manière intermittente. Pourtant, le VIH comme les autres maladies et infections sexuellement transmissibles tracent leur route. « L’erreur serait de penser que l’acte sexuel est rationnel, analyse avec recul Willy Rozenbaum. Il n’y a rien de plus irrationnel : c’est l’évaluation d’un risque dans une situation de plaisir, et souvent le plaisir l’emporte. »
Des médecins généralistes s’alarment de voir leurs jeunes patients passer entre les mailles de la prévention. « On sait que la protection par le préservatif n’ira pas au-delà du niveau qu’elle a atteint : ça a très bien marché et évité des millions de contaminations. Mais on ne peut pas en demander plus à la capote », explique Eve Plenel, ancienne militante d’Act Up et coordinatrice de la campagne Vers Paris sans sida, à la Mairie de Paris. Les spots télé dès 1987 (année de levée de l’interdiction de la publicité du préservatif), leur slogan – « Le sida ne passera pas par moi » – balancé en pleine figure avant le journal de « 20 heures », ou les images-chocs de l’obélisque de la Concorde recouverte de latex, semblent d’un autre temps, que le succès du film 120 battements par minute vient crûment réveiller.
En trente ans, le sida s’est banalisé. Pour les jeunes générations, l’épidémie n’a plus de visage, et beaucoup semblent penser que l’on peut vivre avec le virus comme avec n’importe quelle maladie chronique. Le relapse, ce phénomène des années 2000 de relâchement des pratiques de prévention, est passé par là : délaisser ce préservatif qui fut tour à tour une délivrance et un totem. « Le relapse, c’est l’illusion d’un passé qui n’a jamais existé : celui du tout-capote, tranche Vincent Leclercq, chez Aides. Le préservatif reste un outil contraceptif efficace et une arme contre les IST [infections sexuellement transmissibles] et MST [maladies sexuellement transmissibles]. Mais il ne faut pas entrer dans le “c’était mieux avant” et culpabiliser les personnes qui n’en mettent pas. Si le préservatif, ça ne passe plus comme discours, c’est à nous de trouver autre chose. »
C’est ce que tentent les campagnes de prévention dite « diversifiée », en insistant sur toute la palette des nouveaux outils disponibles, mais surtout en ciblant davantage les groupes à risque que le grand public. « Il y a eu un changement de paradigme », explique Santé publique France. L’enjeu reste d’encourager au dépistage. Un message martelé sur les affiches dès novembre, lors de la traditionnelle campagne précédant le 1er décembre, Journée mondiale de la lutte contre le sida.
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