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jeudi 20 juillet 2017

Ça bouge dans le traitement de la dyskinésie tardive !

09/07/2017

A partir des années 1950, les traitements neuroleptiques ont permis de vider les hôpitaux psychiatriques. Cette révolution s’est faite au prix de nombreux effets indésirables, certains graves et aigus, d’autres chroniques et handicapants. Parmi ces derniers, les dyskinésies tardives sont devenues emblématiques des conséquences au long cours des traitements neuroleptiques, et ont participé durant les dernières décennies à la stigmatisation des malades mentaux.

Les dyskinésies tardives sont des symptômes moteurs polymorphes, dont la forme la plus caractéristique est la dyskinésie bucco-linguale. Ces symptômes apparaissent après plusieurs semaines ou mois de traitement et évoluent généralement pour leur propre compte, continuant parfois même après l’arrêt des traitements neuroleptiques. Ils étaient jusqu’à présent considérés comme réfractaires à tout traitement, mais depuis quelques années, la tétrabénazine, un « inhibiteur du transporteur vésiculaire de la monoamine 2 » (VMAT-2 pour Vesicular Monoamine Transporter-2), permet chez certains patients une amélioration spectaculaire. Son mécanisme d’action consisterait en une diminution de la concentration synaptique de la dopamine via une inhibition des transporteurs vésiculaires. Il s’agit initialement d’un médicament antipsychotique, son mécanisme d’action étant d’ailleurs proche de celui de la réserpine, mais qui a peu été utilisé dans cette indication. Il a par la suite été employé avec succès dans la maladie de Huntington, avant de se révéler efficace dans les mouvements anormaux secondaires aux neuroleptiques. Cependant ce traitement est peu maniable, avec d’importantes fluctuations de la concentration plasmatique, et entraîne de fréquents symptômes dépressifs (jusqu’à 18,5 % dans une étude portant sur la maladie de Huntington), limitant grandement son utilisation en milieu psychiatrique. Un autre inhibiteur de VMAT-2, la valbenazine, a récemment été approuvé pour le traitement de la dyskinésie tardive en 2017 aux Etats Unis. La deutétrabénazine est un dérivé de la tétrabénazine qui pourrait également apporter un bénéfice dans la dyskinésie tardive, avec un meilleur profil de tolérance. Un premier essai de phase 2 portant sur 117 patients a déjà été réalisé pour déterminer la posologie adéquate de deutétrabénazine.
Anderson et coll. présentent dans le Lancet un essai de phase 3 (essai contrôlé randomisé en double aveugle contre placebo) évaluant la deutétrabénazine dans la dyskinésie tardive. Les 298 patients inclus ont été randomisés en 4 groupes : deutétrabénazine 12 mg/j, 24 mg/j, 36 mg/j, et placebo. Le traitement était débuté à 12 mg/j puis progressivement augmenté à raison de 6 mg par semaine pour atteindre la dose cible (12 mg/j, 24 mg/j ou 36 mg/j), qui était maintenue durant 8 semaines. L’effet du traitement était évalué sur des vidéos de patients à partir de l’échelle de mouvements involontaires anormaux (AIMS, pour Abdormal Involontary Movement Scale).

Une bonne ou d’une très bonne amélioration pour près de la moitié des patients

Après 12 semaines de traitement, les patients des groupes 36 et 24 mg/j avaient une baisse de l’AIMS comparable (-3,3 et -3,2 points, différence significative par rapport au placebo, p = 0,01 et 0,03), la baisse n’était que de 2,1 dans le groupe 12mg/j (pas de différence significative avec le placebo, p = 0,217), contre -1,4 dans le groupe placebo. Sur une échelle d’évaluation globale de l’amélioration par les cliniciens, près de la moitié des patients (49 % dans le groupe 24 mg/j et 44 % dans le groupe 36 mg/j) avaient bénéficié d’une bonne ou d’une très bonne amélioration, contre 26 % dans le groupe placebo et 28 % dans le groupe deutétrabénazine 12 mg/j. Les effets indésirables étaient similaires dans les groupes traitements et placebo, y compris concernant les symptômes dépressifs. L’association de la deutétrabenazine et des antagonistes dopaminergiques était bien tolérée et n’entrainait pas de baisse d’efficacité des traitements. 
Nous assistons donc à l’apparition d’une nouvelle classe thérapeutique permettant une amélioration cliniquement significative dans cette pathologie d’origine iatrogène particulièrement handicapante. Jusque-là sans traitement, ces symptômes moteurs étaient généralement négligés, et considérés comme un moindre mal au regard de l’amélioration des troubles psychiatrique. Espérons que ces nouveaux traitements fassent la lumière sur ces symptômes invalidants et que le dogme de l’incurabilité de ces troubles moteurs s’efface rapidement.  Précisons toutefois que nous n’avons pour l’instant que peu de recul sur ces traitements, dont le mécanisme d’action ne permet certainement pas d’exclure la survenue de symptômes psychiatriques ou moteurs à plus ou moins long terme. Rappelons également qu’en France, seule la tétrabénazine est disponible en Autorisation Temporaire d’Utilisation dans la dyskinésie tardive. Enfin, le «détournement » d’un traitement de son indication première au profit d’une autre pathologie est un exemple à suivre, notamment en psychiatrie qui est en mal de nouvelles voies thérapeutiques.
Dr Alexandre Haroche
RÉFÉRENCE
Anderson KE et coll. Deutetrabenazine for treatment of involuntary movements in patients with tardive dyskinesia (AIM-TD): a double-blind, randomised, placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet psychiatry, 2017; publication avancée en ligne le 28 juin. doi.org/10.1016/S2215-0366(17)30236-5

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