- HOSPIMEDIA
Le TGI de Paris a condamné l'État à verser plus de 617 000 euros à titre de dommages et intérêts à un homme pour une période d'hospitalisation sous contrainte de plus de 17 ans, car les arrêtés préfectoraux fondant son placement en hospitalisation ont été régulièrement annulés, notamment pour insuffisance de motivations.
Le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a condamné l'État à verser 617 000 euros environ à titre de dommages et intérêts à un homme hospitalisé sous contrainte durant près de dix-huit ans, au motif que ce dernier a été privé de liberté sur le fondement d'arrêtés préfectoraux illégaux, car insuffisamment motivés. En effet, selon une décision du TGI rendue le 21 novembre 2016, les juges relèvent que cet homme a été "privé de liberté sur le fondement de décisions illégales" de septembre 1995 à novembre 2003 et de mars 2007 à novembre 2012. Se référant à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le TGI rappelle que "toute personne a droit à la liberté et à la sûreté et nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans des cas précisés par la convention, et selon des voies légales". Or les différents arrêtés préfectoraux plaçant cet homme sous hospitalisation ont constamment été annulés par les juridictions administratives. Donc en "l'absence de toute décision fondant l'hospitalisation sous contrainte [de ce patient], et sans qu'il y ait lieu de rechercher si elle était médicalement justifiée et nécessaire, [le patient] est fondé à solliciter l'indemnisation de l'intégralité du préjudice qui en découle", écrivent les magistrats.
Près de 1,5 M€ de réparations demandées à l'État
Le patient a été mis en examen au mois de mars 1995 pour des faits de dégradations commis au préjudice de l'association des Témoins de Jéhovah de Rennes (Ille-et-Vilaine) et placé en détention provisoire. Dans le cadre de l'instruction, les médecins ont conclu à son irresponsabilité pénale, ce qui a conduit le préfet du département à prendre un arrêté d'hospitalisation d'office (HO) en septembre 1995. Cette HO a été prolongée par des arrêtés préfectoraux en octobre 1995 puis janvier et juillet 1996. "Ce dernier arrêté précisant que l'hospitalisation se poursuivrait jusqu'à ce qu'il en soit décidé autrement", relèvent les magistrats du TGI de Paris. L'homme a ainsi été placé au CH Guillaume-Régnier de Rennes, en hospitalisation complète jusqu'en novembre 2012, "à l'exception d'une période de "fugue", de [...] novembre 2003 à [...] mars 2007". Or le tribunal administratif de Rennes a annulé les arrêtés précités dans plusieurs décisions rendues en octobre 2012 et mars 2013. En novembre 2012, le juge des libertés et de la détention du TGI de Rennes a ordonné la mainlevée de la mesure de placement. Le lendemain de cette décision, le préfet prend un nouvel arrêté de placement en programme de soins, avec autorisation de sortie pendant trois heures par semaine. Un arrêté qui sera encore une fois annulé, en juillet 2014. C'est en septembre 2015 que le patient, assisté de son curateur, l'Association pour l'action sociale et éducative (Apase), assigne l'agent judiciaire de l'État pour le paiement de plus de 1,5 million d'euros (M€) en réparation des différents préjudices subis, au premier rang desquels la privation de liberté.
Le préfet ne doit pas se "contenter" d'une référence au certificat
Pour décider de l'annulation des arrêtés préfectoraux, les magistrats du tribunal administratif (TA) de Rennes ont fait un rappel de la nécessaire motivation de tels arrêtés, selon une décision dont Hospimedia a eu copie. En effet, ils expliquent que l'autorité administrative, lorsqu'elle prononce ou maintient une HO, doit "indiquer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure". Si elle "peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant au certificat médical circonstancié qui doit nécessairement être établi avant la décision préfectorale, c'est à condition de s'en approprier le contenu" et de joindre ce certificat à la décision, expliquent les juges. Or, en l'espèce, les arrêtés préfectoraux concernant le patient. "visaient le certificat médical préalablement établi par un médecin de l'établissement, puis se bornent à considérer qu'il "résulte de ce document que l'état de santé mentale [du patient] nécessite la reconduction" de son HO. Par ailleurs, ont relevé les magistrats, il n'a pas été prouvé que les arrêtés préfectoraux ont bien été accompagnés des certificats médicaux auxquels ils faisaient référence.
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