Active ou passive, en établissement ou à domicile, la maltraitance des âgés n'est pas toujours évidente à repérer. Intervenant lors d'une journée de réflexion pilotée par la Fehap, Pascale Boistard, secrétaire d'État aux Personnes âgées et à l'Autonomie, a évoqué quelques mesures de la loi Vieillissement confortant la culture de la bienveillance.
Il est plutôt courageux pour des directeurs d'établissements médico-sociaux de reconnaître, malgré tous les dispositifs réglementaires et éthiques en place, que la maltraitance existe. "Nous n'en avons pas fini." C'est le parti pris par la Fehap lors d'une journée de réflexion qu'elle a organisée ce mardi 8 mars au ministère des Affaires sociales et de la Santé. En ouverture, Pascale Boistard, secrétaire d'État aux Personnes âgées et à l'Autonomie, a elle-même déclaré que le sujet était "difficile".
La loi Vieillissement, un outil supplémentaire
Celle qui a pris ses fonctions, il y a quelques semaines à peine, a aussi rappelé la principale mission de son mandat : mettre en œuvre dans des délais extrêmement contraints la loi d'adaptation de la société au vieillissement (ASV). À la clé, se trouve notamment la volonté d'entraîner un "changement de regard sur les aînés" et de "pérenniser des ambitions de transformation de la société pour bien et mieux vieillir". Elle a également souligné qu'une réelle culture de la bientraitance face aux plus fragiles s'était ces dernières années progressivement installée, notamment dans les Ehpad. Et la loi ASV conforte cette démarche. Elle va même plus loin en apportant de nouveaux moyens pour lutter contre ce phénomène. "La loi comporte plusieurs dispositions visant à réaffirmer les droits et les libertés des personnes âgées" comme par exemple la désignation d'une personne de confiance pour les résidents d'Ehpad, la possibilité de rédiger une annexe au contrat de séjour ou encore la revalorisation de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa).
La secrétaire d'État a aussi positionné la lutte contre la maltraitance et l'évolution des mentalités au-delà de toute échéance politique. "La politique en faveur des personnes âgées est d'abord et avant tout une politique humaine ; nous ne pouvons tolérer les atteintes à l'humanité d'autrui que constituent les actes de maltraitance." Par ailleurs, elle a souligné que la maltraitance était "une réalité difficile à cerner, difficile à chiffrer. Les données dont nous disposons en la matière sont lacunaires en l'absence regrettable d'une nomenclature nationale partagée par tous les acteurs." Pour Pascale Boistard, il faut considérer avec attention les signalements qui témoignent d'une certaine vigilance. Et d'ajouter : "Il faut se méfier bien davantage des lieux où il ne se passe apparemment jamais rien de fâcheux." Évoquant l'isolement de certains âgés, "la pire forme de maltraitance n'est pas forcément celle que l'on croit, celle des cris, des coups et des soins forcés. C'est aussi l'indifférence."
Maltraitance active ou passive
Un constat que plusieurs intervenants pendant la matinée ont largement partagé. Bettina Roudeix, chef de projet lutte contre la maltraitance pour l'association Les Petits Frères des pauvres, a évoqué la place compliquée des bénévoles. Comment révéler certaines confidences d'âgés quand une promesse de silence a été faite ? Un vieux monsieur a ainsi raconté à un membre de l'association qu'il était victime du chantage de son fils. Chacune des visites de son enfant s'accompagnait d'un retrait bancaire. Sans cela, celui-ci menaçait de ne plus venir. La victime ne voulait pas porter plainte et a demandé que les travailleurs sociaux ne soient pas alertés. Au risque de rompre la confiance qui s'était installée entre cet homme et Les Petits Frères des pauvres, l'assistance sociale a été sollicitée.
Pour Françoise Vagner, membre national du Comité national des retraités et des personnes âgées (Coderpa), la maltraitance passive au quotidien est aussi grave que la maltraitance active. Et d'ajouter que certaines conditions de travail peuvent conduire à des situations de maltraitance. Elle a ainsi évoqué le cas d'un âgé qui voyait défiler dans son domicile une dizaine de personnes différentes pour l'aider et rarement les mêmes. "Cela me donne le tournis", a-t-il confié. Cette situation n'a rien d'exceptionnel et, dans la salle, des participants ont confirmé. Autre exemple, en Ehpad, les résidents accueillis sont de plus en plus dépendants et les effectifs réduits. Alors qu'une aide-soignante fait la toilette d'une résidente, elle reçoit un message d'alerte qui provient d'un bracelet électronique signalant une sortie sans autorisation d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer. Seule dans le service, doit-elle laisser la résidente sous la douche pour aller au secours de l'autre âgé ?
Il a aussi été question de mieux former professionnels et aidants aux concepts de bientraitance. Évelyne Gaussens, ancienne directrice de l'hôpital gériatrique Les Magnolias à Ballainvilliers (Essonne), a estimé pour sa part que les cycles de formation à la lutte contre la maltraitance ne suffisaient pas. Pour elle, il serait plus efficace de modifier en profondeur l'enseignement initial autour du prendre soin (ou take care).
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