L'Assemblée nationale en fin d'après-midi, puis le Sénat dans la soirée du 27 janvier ont définitivement voté la loi « créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie », élaborée par les députés Jean Leonetti (Les Républicains, Alpes-Maritimes) et Alain Claeys (PS, Vienne).
28.01.2016
« C’est un engagement pris en 2012 qui trouve aujourd’hui sa concrétisation », s'est félicité François Hollande, évoquant le 21e engagement de sa campagne présidentielle. « Le temps et le dialogue ont permis de rapprocher les points de vue et de parvenir à un accord qui constitue un progrès majeur en faveur du respect des droits et de la dignité de la personne humaine jusqu’à sa mort », ajoute le président.
Dialogue continu entre patient et médecin, pour Leonetti
Devant leurs pairs, les deux auteurs ont défendu leur texte en se partageant les rôles. À Alain Claeys le soin de promouvoir les nouveaux droits pour les malades. « Chacun doit pouvoir décider en conscience de comment il souhaite mourir », a-t-il dit, assignant un second objectif à la loi : « Combattre le mal mourir qui règne trop. » De son côté, Jean Leonetti a cherché à apaiser les craintes d'une partie de la droite. « Cette loi n'ouvre pas un droit à la mort, à l'euthanasie, au suicide assisté. » Il a tendu la main aux médecins, réfutant l'idée d'une autonomie totale donnée aux malades : « Ils demandent, mais il y a une vérification par le collégial que ces nouveaux droits ne sont pas une atteinte à la vulnérabilité. » « Le dialogue continue entre le malade et le médecin », a-t-il insisté.
La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a salué une avancée « historique » qui place « le malade au cœur de la décision relative à sa fin de vie » et crée un « droit d'accéder aux soins palliatifs ».
Sédation profonde et terminale et directives anticipées contraignantes
Le texte définitif, objet d'un consensus en commission mixte paritaire, ouvre dans son article 3 le droit pour le patient de demander une « sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associé à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie », dans deux cas :
–lorsqu'il est atteint d'une affection grave et incurable, que son pronostic vital est engagé à court terme, et qu'il présente une souffrance réfractaire aux traitements ;
–et lorsque, atteint d'une affection grave et incurable, il décide d'arrêt un traitement, ce qui engage son pronostic vital à court terme et est susceptible de provoquer une souffrance insupportable.
Cette sédation profonde et continue s'applique pour les patients qui ne peuvent exprimer leur volonté lorsqu'au nom du refus de l'obstination déraisonnable, le médecin arrête un traitement de maintien en vie. La procédure collégiale présidant à la mise en œuvre de la sédation sera définie par voie réglementaire.
La loi précise aussi que la nutrition et l'hydratation artificielles sont des traitements qui peuvent être arrêtés. Elle rend les directives anticipées plus contraignantes. L'article 8 dit qu'elles s'imposent au médecin sauf en cas d'urgence vitale (le temps d'évaluer complètement la situation) et lorsqu'elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale.
Ambiguïté
L'unanimité avec laquelle a été votée la loi n'est pas sans cacher les désaccords. Les plus favorables, dont Marc Dolez du Front de gauche ou Isabelle Le Callenec (LR), appellent désormais à développer les soins palliatifs, « clef de la réduction des inégalités devant la mort », selon les mots de Michèle Delaunay (PS). En décembre, le gouvernement a présenté un nouveau plan 2015-2018, doté de 190 millions d'euros.
Justifiant l'abstention des députés écologistes, Véronique Massonneau a déploré un rendez-vous manqué. « Le combat continue pour défendre la liberté de choix de chacun », a-t-elle déclaré. Au Sénat, l'écologiste Corinne Bouchoux a estimé que la « sédation ne sera jamais la réponse à une demande d'assistance médicalisée active à mourir ».
Le député Jean-Louis Touraine, co-auteur d'un amendement sur l'assistance médicalisée à mourir, a estimé nécessaire de remettre le travail sur le métier. « Cette loi maintient l'ambiguïté » sur l'intention de donner la mort, a-t-il déploré, citant Véronique Fournier, présidente du Centre d'éthique de Cochin, qu'il a présentée comme la nouvelle présidente du centre national sur la fin de vie.
À front renversé, Xavier Breton, de l'Entente parlementaire pour la famille, a estimé que le pire avait été évité, mais s'est ému de la nomination de la cardiologue au centre national sur la fin de vie.
Contacté par « le Quotidien », le ministère de la Santé ne confirme pas cette nomination.
Du côté des associations enfin, l'ADMD (pour le droit de mourir dans la dignité) a publié un« avis de décès » de la promesse de François Hollande, tandis que le collectif Soulager mais pas tuer y voit une fragilisation de la relation entre soignants et soignés et met en place un dispositif de vigilance pour lutter contre les « euthanasies cachées ».
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