A l’heure de l’hystérie sur le bio ou les OGM, on apprend que l’effet des graisses saturées sur la santé cardiaque n’est qu’un mythe, renforçant l’idée d’establishment médical.
Selon la Fédération française de cardiologie, «le foie, organe essentiel, est extrêmement sensible aux mauvaises graisses contenues dans ce que nous mangeons, qui le poussent à fabriquer plus de cholestérol que nécessaire et qui diminuent ses capacités à l’éliminer. Ces mauvaises graisses, ou graisses saturées, se trouvent dans tous les produits de type laits entiers (fromages à plus de 45 % de matières grasses, crème fraîche entière), dans les viandes grasses (travers de porc, épaule d’agneau, côte de bœuf…), dans les abats (cervelle, rognons, foie) qui sont riches en cholestérol, toutes les graisses animales et charcuteries grasses (gras de la viande, du jambon, du saucisson, dans les rillettes, boudin, andouillette, saucisse, etc.), dans les pâtisseries, les gâteaux apéritifs, les barres chocolatées et dans les plats industriels cuisinés quand ils apportent plus de 10 grammes de lipides par portion». Voilà la doxa, serinée par tous les cardiologues depuis des décennies.
Et puis voilà autre chose : «La consommation de graisses saturées n’est pas associée à la mortalité, à la maladie cardiovasculaire, à la maladie coronaire, à l’infarctus ni au diabète.» C’est la conclusion d’une méta-analyse publiée cet été dans le British Medical Journal. Trois mois plus tôt, la très officielle Académie américaine de nutrition et de diététique félicitait l’organisme chargé de publier les recommandations alimentaires d’être en train de virer sa cuti et d’enlever le cholestérol et les graisses saturées des aliments à risques, «vu le manque de preuve d’un effet sur la maladie cardiovasculaire». Kim Allan Williams, président de l’American College of Cardiology, mange son chapeau : «Le LDL [le «mauvais» cholestérol] est peut-être ou peut-être pas corrélé à des effets cardiovasculaires», a-t-il déclaré à Reuters. Peut-être ou peut-être pas !
C’est un formidable dogme qui se voit ébranlé, l’un des plus puissants consensus scientifiques de ces dernières décennies. Non, il n’y a aucun lien entre l’absorption de graisses saturées et la maladie cardiaque. Ni, incidemment, avec l’absorption de sel. Ce sont là des mythes scientifiques, des illusions collectives d’experts. Comme l’ont montré de nombreuses études, et plusieurs livres des deux côtés de l’Atlantique, la double fiction de l’effet des graisses saturées et du mauvais cholestérol s’est construite sur une cathédrale d’études biaisées, qui ont été prises pour argent comptant, ont fait la fortune des industries pharmaceutiques et agroalimentaires, et ont poussé la carrière des ténors de la cardiologie. Cette réalité est connue depuis longtemps mais a fait l’objet, jusqu’à présent, d’une omertà, tant les intérêts en jeu sont considérables. Les connaisseurs aiment bien citer le docteur George Mann, qui a dirigé la plus célèbre des études épidémiologiques américaines, l’étude de Framingham, présentée dans les cours de médecine comme la référence à l’appui de la doxa :«L’idée que les graisses saturées et le cholestérol causent la maladie cardiovasculaire est la plus grande tromperie scientifique de notre temps.» C’était en 1977…
C’est cette situation qui explique la colère et la mise à l’index du professeur Philippe Even, qui vient de sortir un nouveau livre accusant l’establishment médical. Il est un sanguin, un passionné, un solitaire aussi, et la colère est parfois mauvaise conseillère. Mais, sur l’essentiel du dossier, il a raison, et vaut d’être lu et écouté. De même que le cardiologue Michel de Lorgeril, qui, lui aussi, publie un nouvel ouvrage.
Ceux qui souhaitent sortir de ce débat crispé et prendre de la hauteur peuvent lire le blog d’un médecin écossais, Malcolm Kendrick, qui avait déjà publié un excellent chapitre sur le sujet dans un livre collectif publié en 2006 en Angleterre, Panic Nation.Qui vaudrait d’être mis entre toutes les mains à l’heure de l’hystérie sur le bio, les OGM ou le changement climatique. Mais sur la genèse et l’histoire du mythe de l’effet des graisses saturées sur la santé cardiaque, le livre de référence est celui de la journaliste américaine Nina Teicholz, The Big Fat Surprise. Publiée en 2014, cette enquête minutieuse de près de 500 pages, dont 100 pages de notes et citations, explique comment est née, s’est développée et soudée pour finalement se scléroser la pensée médicale et scientifique sur le sujet. Un magnifique exemple d’illusion collective fondée sur la science. Un cas d’école.
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