Evoquée depuis 2012, l’arrivée des autotests de dépistage du VIH en pharmacie est une réalité depuis une dizaine de jours en France. Si à l’heure de commenter cette étape, nous avons voulu souligner l’adhésion d’un grand nombre d’acteurs à ce dispositif (associations de patients, sociétés savantes, professionnels de santé interrogés sur le JIM), les réactions de certains de nos lecteurs laissent suggérer que l’inquiétude et la circonspection sont plus importantes que ce que laissait croire ce tableau initial. Les questions soulevées par ces autotests sont en effet nombreuses et le sociologue Tim Greacen, chercheur en psychologie sociale, directeur du laboratoire de recherche de l’établissement public de santé Maison Blanche, en charge de conduire une étude sur l’utilisation de ce dispositif auprès de deux groupes à risque, en énumère pour nous un certain nombre. Si ce spécialiste des questions de prévention du VIH reconnaît que ce système ne peut qu’interroger les professionnels de santé, il présente néanmoins différentes données qui semblent conforter l’autorisation de ce dispositif.
Par Tim Greacen*
L’autotest VIH est arrivé. Quel sera son impact en France ? Qui va l’utiliser ? Les gens vont-ils recourir moins aux autres modes de dépistage ? Sauront-ils utiliser l’autotest correctement ? Et celui qui trouve un résultat positif seul sans accompagnement professionnel, comment réagira-t-il ? Quel sera son accès aux soins ? Tant de questions que peut se poser le professionnel de santé qui s’intéresse au dépistage du VIH.
La majorité des nouvelles infections liées à des séropositifs s’ignorant
L’argument principal en faveur de l’autotest est élémentaire : il s’agit d’ajouter une nouvelle option à l’offre de dépistage, d’ouvrir une nouvelle porte pour faciliter l’accès au test pour, dans l’idéal, atteindre cette "épidémie cachée" de personnes séropositives qui ne connaissent pas leur statut sérologique. En effet, en France, malgré les quelques cinq millions de tests de dépistage du VIH effectués chaque année, environ 30 000 personnes ignoreraient encore leur séropositivité, soit 20 % des personnes qui vivent avec le VIH. Le maintien de cette épidémie cachée est notamment dû au fait que le délai entre l’infection et le diagnostic du VIH reste long : en moyenne 44 mois. La plupart des nouvelles infections – jusqu’à 64% selon les hypothèses retenues concernant les modifications de comportement des personnes diagnostiquées séropositives au VIH – seraient le fait de personnes qui ignorent leur séropositivité. Et ces personnes à risque d’infection par le VIH qui ne se dépistent pas ou peu souvent découvrent leur séropositivité tardivement : 48 % des découvertes de séropositivité sont tardives (<350 29="" antir="" au="" avanc="" cd4="" chance="" concern="" constitue="" d="" de="" diagnostic="" du="" e="" en="" et="" importante="" infection="" l="" la="" mise="" ou="" p="" personne="" perte="" pour="" raison="" retard="" route="" sida="" sont="" stade="" tardif="" traitement="" troviral.="" un="" une="" vih="">
4 000 personnes dépistées la première année de commercialisation
La commercialisation de l’autotest pourrait-elle permettre d’augmenter le nombre de découvertes de séropositivité et ainsi contribuer à réduire la taille de l’épidémie cachée et la transmission du VIH ? Une analyse bénéfice-risque réalisée par le Conseil national du sida (CNS, 2013) estime que l’introduction des autotests en France pourrait permettre de découvrir 4 000 nouveaux cas de personnes infectées par le VIH et d’éviter 400 nouvelles infections dès la première année de commercialisation. Selon le CNS, les risques (les faux négatifs liés à une mauvaise utilisation, à une sensibilité légèrement plus faible des autotests que les tests conventionnels et les nouvelles infections inhérentes non évitées) ne l’emporteraient pas sur les bénéfices (la détection des personnes infectées qui ne se seraient pas dépistées autrement et les contaminations secondaires évitées).
Fenêtre de courage
Mais qui va utiliser l’autotest ? L’étude Webtest, que nous avons menée auprès d’hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) en 2009 avec le soutien de l’ANRS, a pu constater un fort intérêt de cette population pour l’autotest s’il était autorisé. Les répondants à cette enquête sur internet soulignaient trois arguments en faveur de ce mode de dépistage. D’abord son côté pratique : plus besoin de se déplacer chez son médecin ou au CDAG-CIDDIST pour faire le test, pour aller chercher le résultat ; il suffit de le commander sur internet, il arrive chez soi par la poste, et on le fait. Ensuite vient l’argument de la rapidité : en effet, certains répondants évoquaient ce que l’on pourrait appeler une "fenêtre de courage" au sein de laquelle ils sont prêts à se dépister ; on a l’autotest chez soi, on le fait le jour où on a le courage de le faire et on a les résultats tout de suite (un argument en effet non négligeable lorsqu’on connaît le nombre de personnes qui viennent faire le test au CDAG mais qui ensuite ne reviennent pas chercher les résultats). Le troisième argument, et pas le moindre : l’anonymat. Si important pour celui qui ne veut pas dire à son médecin de famille qu’il a découché, qu’il a eu une relation sexuelle à risque …
A propos du risque de suicide…
Et les personnes qui découvrent un résultat positif seules à la maison ? N’y a-t-il pas un risque de suicide ? Auront-elles le courage d’aller consulter ? Le diront-elles à leurs partenaires sexuels ? Tant de questions faisant l’objet d’un ensemble d’études au niveau international et en France. Les premiers résultats sont plutôt rassurants. D’abord, pour le suicide, les résultats de l’étude Webtest révèlent que le fait d’être dépressif ou à risque suicidaire est négativement associé à l’intérêt pour l’autotest. Les HSH déprimés ne s’intéresseraient tout simplement pas à leur santé. Ils ne se font pas dépister tout court. D’autres études soulignent l’importance d’un counseling et d’une offre de soins facilement accessibles, et qui prennent en compte ce besoin de confidentialité, et notamment un counseling téléphonique 24/7 ou par Internet, rôle que joue déjà Sida Info Service depuis la mise sur le marché de l’autotest. Enfin, un dernier débat est lancé : la question du prix grand public de l’autotest (bien que moins cher en France qu’au Royaume-Uni ou aux USA) fait déjà l’objet de critiques de fond. En effet, quel accès pour les jeunes ? Et pour les personnes en situation de précarité ?
L’autotest VIH est arrivé.
*Chercheur en psychologie sociale, directeur du laboratoire de recherche de l’établissement public de santé Maison Blanche
Le titre et les intertitres sont de la rédaction du JIM
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