Issu d’une collaboration entre cinq auteurs travaillant à Liverpool (Royaume-Uni), Auckland (Nouvelle-Zélande) et Naples (Italie), un sondage sur Internet s’intéresse aux perceptions des patients déprimés sur les mécanismes présumés de la dépression et sur leur expérience des médicaments antidépresseurs.
Comprenant 47 questions, le questionnaire en ligne a été renseigné par 1829 participants (dont 76,6 % de femmes) âgés pour la plupart (24,2 % d’entre eux) d’une quarantaine d’années (36 à 45 ans). Preuve que la dépression peut concerner tout individu, riche ou pauvre, les revenus annuels des intéressés s’échelonnent de moins de 10 000 dollars néo-zélandais (15 % des cas) à plus de 100 000 dollars (7,7 %), le revenu moyen étant de l’ordre de 50 000 dollars (plus élevé que le revenu médian en Nouvelle-Zélande, environ 29 000 dollars). Six des raisons alléguées pour leur dépression se trouvent partagées par plus de la moitié des sujets : « déséquilibre chimique », « stress familial », « stress professionnel », « hérédité», « problèmes relationnels » et « événements douloureux dans l’enfance. »
On constate des « différences appréciables » dans le contenu, la structure et les sentiments sur sa propre dépression et sur les perceptions des troubles dépressifs en général (par exemple l’importance accordée à la possibilité d’un « déséquilibre chimique», quand il s’agit d’expliquer sa dépression et la moindre responsabilité imputée aux stress, contrairement à des études antérieures, menées aux États-Unis).
Les auteurs notent que « malgré des décennies d’efforts (du corps médical) pour persuader la population que la dépression constitue une maladie relevant surtout de causes génétiques », le public continue à s’attacher à un « modèle multifactoriel et à prêter une grande importance aux aléas biographiques » comme le stress au travail ou/et au domicile, les problèmes relationnels et la solitude. Ces convictions persistent même après avoir souffert soi-même de dépression, même après avoir parlé de la dépression avec des médecins, même après avoir reçu un traitement de type pharmacologique contre la dépression, et même après avoir éprouvé l’efficacité concrète de ce « traitement (antidépresseur) reposant sur une base biologique. »
On peut contester les certitudes apparemment inébranlables des auteurs sur le primat d’une dimension monofactorielle de la dépression (un déterminisme génétique) et sur la prépondérance du traitement médicamenteux (au détriment des psychothérapies ?) mais leur conclusion demeure pertinente : « les sujets déprimés ont une perception complexe et multifactorielle des causes de leur propre dépression, basée sans doute en partie sur leur propre vécu, et les circonstances de l’existence ; étudier ces convictions peut améliorer la relation médecin-malade, et le choix d’un traitement approprié ».
Dr Alain Cohen
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