L’encéphalomyélite myalgique (EM)/ Syndrome de fatigue chronique (SFC) est un ensemble pathologique multisystémique invalidant, associant, à une fatigue chronique pénible, divers signes dont des douleurs, des troubles du sommeil, des anomalies neurologiques et/ou cognitives, des troubles moteurs, une dysautonomie ou encore une altération de la réponse immunitaire. Du fait de ce caractère protéiforme, plusieurs critères de diagnostic sont proposés parmi lesquels un malaise post exercice et des troubles de la mémoire semblent être considérés comme prépondérants. Les causes de l’EM/SFC sont mal connues et on ne sait d’ailleurs pas s’il faut distinguer EM et SFC, si le premier est un sous groupe de l’autre, s’il s’agit d’entités distinctes ou de symptômes non spécifiques partagés avec d’autres pathologies.
L’hypothèse d’une origine virale a été, à plusieurs reprises, évoquée devant un début souvent brutal, avec phase aiguë fébrile et présence d’adénopathies. En 1997, la prévalence aux USA était estimée à 0,3 % de la population. Divers traitements sont proposés : immunologiques, pharmacologiques, thérapies comportementales, médecine physique, douce ou alternative. Schématiquement, ils peuvent être classés en 2 groupes : ceux à visée étiologique comme les immunomodulateurs, les anti viraux ou les antibiotiques et ceux ciblant un signe spécifique tel que la douleur, la fatigue ou les troubles du sommeil. A ce jour, aucun médicament n’a été approuvé par l’US Food and Drug Administration.
Trente-cinq études retenues
Une revue générale a été menée sous la direction de ME Beth Smith afin d’évaluer le rapport bénéfices/ risques des différents traitements actuels, médicamenteux ou non et d’identifier les orientations des futures recherches. Cette revue a pris pour base les articles référencés entre Janvier 1988 et Septembre 2014 dans les principales bases de données informatiques, dont MEDLINE, PsycINFO et Cochrane data bases. Seules ont été retenues les publications de langue anglaise, concernant des adultes de plus de 18 ans, qui remplissaient les différents critères diagnostiques de l’EM/SFC et rapportaient des essais cliniques contrôlés et randomisés d’au moins 12 semaines. Sur 6 175 abstracts identifiés, 35 essais thérapeutiques, dans 45 publications, ont été sélectionnés pour la revue systématique, dont 9 essais avec des médicaments, 7 évaluant une médecine douce ou alternative, 14 des thérapies de conseil ou comportementales, 7 la médecine physique et 4 associant diverses modalités thérapeutiques. La plupart des essais retenus (24/35) étaient de qualité acceptable. Ils avaient enrôlé préférentiellement des femmes d'âge moyen ; ils étaient souvent de taille réduite (27 d’entre eux incluant moins de 100 participants). La plupart avaient été menés aux USA ou en Europe.
Seul médicament peut-être efficace : le rintatolimod
Les neuf essais concernant des médicaments portaient sur ces différentes molécules : rintatolimod, valganciclovir, galantamine, hydrocortisone seule ou associée à la fludrocortisone, IgG, isoprinosine, fluoxétine. Huit essais étaient de qualité moyenne et 1 de qualité médiocre. Les 2 études (n= 324) ayant évalué le rintatolimod contre placebo, suggèrent que ce médicament à la fois immunomodulateur et anti viral, administré chez des patients adultes sévèrement handicapés, améliore les performances à l’exercice, tant au niveau des tests de tolérance cardiopulmonaire (36,5 % vs 15,2 % ; p = 0,047) que de la durée des exercices (10,3 % vs 2,1 %; p= 0,07) ou du travail fourni (11,8 % vs 5,8 % ; p = 0,01) (niveau de preuve faible). Un des 2 essais rapportait également un gain en terme d’activités de la vie quotidienne ou du score de performance de Karnofsky. Sous valaciclovir, il est retrouvé dans un essai de faible envergure, une amélioration, non statistiquement significative, dans un groupe de sujets porteurs de titres d’anti corps anti viraux élevés. Les essais thérapeutiques par galantamine, hydrocortisone, IgG, isoprinosine, fluoxétine sont non concluants, mais avec souvent une puissance très limitée de par le faible nombre de participants. Sur le plan effets secondaires, les patients sous rintatolimod ont signalé fréquemment une symptomatologie pseudo-grippale, des frissons, une vasodilatation et une dyspnée.
Pas de bénéfice probant avec les médecines douces mais quelques résultats favorables avec les thérapies comportementales et la kinésithérapie
Sept essais ont testé l’apport de médecines douces ou alternatives, en comparaison avec les soins courants, un placebo ou d’autres formes d’intervention. Cinq concernaient des approches diététiques telles qu’un régime pauvre en sucre et en levures, à base d’anti oxydants extraits du pollen, d’acclydine, de L carnitine ou de mélatonine. Un seul, celui consacré à l’acclydine, qui agit en augmentant l’activité du facteur de croissance insuline- like, était de bonne qualité. Aucun d’entre eux n’a mis en évidence de bénéfice probant.
Quatorze essais, à travers 23 publications, ont analysé l’efficacité de thérapies comportementales, y compris celles par thérapie comportementale cognitive. Comparé au traitement de base ou à des patients en liste d’attente ou non traités, les résultats de ce mode d’approche ont été divers et non significatifs, avec parfois un impact favorable sur la fatigue, l’activité physique ou la qualité de vie (niveau de preuve allant de faible à modéré). Sept autres essais ont examiné l’intérêt d’exercices de rééducation, avec augmentation progressive des exercices, avec qi gong ou avec entrainement orthostatique à domicile. Dans l’ensemble, les thérapies par exercice physique progressif amélioraient la fonctionnalité, la fatigue et une impression clinique de mieux être (niveau de preuve allant de faible à modéré). Par contre, ni l’essai par qi gong ni celui à domicile n’apportaient de bénéfices nets. Dans 4 essais il était suggéré que les patients les plus jeunes, les moins handicapés, les moins centrés sur leur pathologie, les plus adhérents aux programmes de thérapie cognitive et qui évitaient toute sur et sous stimulation à l’effort étaient les plus à même d’améliorer leur score de fatigue et de fonctionnalité.
Au total, 35 essais ont tenté d’évaluer les bénéfices et les risques de diverses approches thérapeutiques chez des adultes qui remplissaient les critères de SFC, avec, dans l’ensemble, un niveau de preuve non concluant. Le rintatolimod pourrait toutefois améliorer les performances à l’effort des patients les plus graves (niveau de preuve faible). Pareillement, les thérapies cognitives comportementales tout comme les exercices physiques progressifs seraient susceptibles d’améliorer la fatigue, la fonctionnalité ou la qualité de vie. Ces résultats rejoignent ceux de revues antérieures, dont une parue dans le Lancet en 2011 ayant inclus 365 EM sur un total de 640 patients et qui avait fourni des résultats identiques en terme de fatigue et de fonction physique. Toutefois, il est patent que la qualité de cette revue est limitée par celle des essais eux-mêmes, souvent de faible effectif, avec des critères de recrutement et des méthodologies différentes. En outre, seuls les articles en anglais ont été inclus et il n’a pas été procédé à des analyses de sous groupes, notamment pour les patients les plus handicapés. Dans l’avenir, des recherches devront être menées avec des critères cliniques plus stricts, étudier le devenir en fonction de la symptomatologie initiale et inclure des signes tels que les malaises après effort, les troubles neurocognitifs ou la dysautonomie. Ils devront surtout avoir une base plus large de participants, une méthodologie plus rigoureuse et enfin une durée plus prolongée, tenant compte des fluctuations naturelles possibles dans l’EM/SFC.
En conclusion, les tentatives thérapeutiques à base de rintatolimod, de thérapie comportementale et d’exercices physiques gradués pourraient être utiles chez les patients remplissant les critères d’inclusion du SFC. Des études complémentaires restent, à ce jour, indispensables.
Dr Pierre Margent
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