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jeudi 23 juillet 2015

Portrait d’un antipsychiatre

22/07/2015




Sous la plume d’un universitaire de Bristol (Royaume-Uni), la revue History of Psychiatry consacre un article à Franco Basaglia (1924-1980). Principal chef de file du mouvement «antipsychiatrique » en Italie, Basaglia n’hésite pas à proposer au premier congrès international de psychiatrie sociale (à Londres, en 1964) une communication au titre explicite : « La distruzione dell’ospedale psichiatrico come luogo di istituzionalizzazione » (La destruction de l’hôpital psychiatrique comme lieu d’institutionnalisation). Basaglia « transforme de l’intérieur l’institution » qu’il dirige (l’hôpital psychiatrique de Gorizia, une ville du nord-est de l’Italie) : de nombreux patients sont « libres d’aller et venir à leur guise », les salles restent ouvertes, des «assemblées générales » réunissent régulièrement les soignants et les patients volontaires pour renforcer la participation démocratique des usagers à la vie communautaire. L’institution n’a plus comme finalité tacite d’exclure le malade, marginalisé par sa problématique psychiatrique, mais de réhabiliter le sujet en lui. Refusant de se cantonner à la seule dimension médicale et technique de la psychiatrie, Basaglia souligne la nécessité d’appréhender et d’amender aussi sa dimension politique et sociale, afin de faire « émerger le patient comme sujet » et de ne plus ancrer la pratique institutionnelle dans une exclusion implicite de la folie.
Rappelons que les conceptions de Basaglia ont largement inspiré la fameuse loi 180 du 13 Mai 1978 en Italie[2] encadrant la « désinstitutionalisation » et le remplacement de la traditionnelle psychiatrie asilaire par des réseaux de psychiatrie communautaire. On peut estimer que, dans la crise actuelle de la psychiatrie (étiquettes nosographiques dès le plus jeune âge, désaffection de la spécialité contrastant paradoxalement avec une inflation des diagnostics psychiatriques et des prescriptions, obsession sécuritaire de la société…), Basaglia conserve toute son actualité, comme « empêcheur de penser en rond », pour reprendre le nom d’une maison d’édition créée à l’initiative de la philosophe Isabelle Stengers et de l’essayiste Philippe Pignarre. L’auteur souligne notamment l’intérêt de relire les écrits de Basaglia dans le cadre d’un mouvement culturel et historique plus large (l’attrait de la liberté cher aux années 1960) et de garder de cet « antipsychiatre » audacieux l’image d’un précurseur.
Dr Alain Cohen
John Foot: Photography and radical psychiatry in Italy in the 1960s. The case of the photobook Morire di Classe (1969), History of Psychiatry, 2015; 26: 19-35.
John Foot: Television documentary, history and memory. An analysis of Sergio Zavoli’s The Gardens of Abel, Journal of Modern Italian Studies, 2014 Vol. 19, No. 5, 603–624. [http://dx.doi.org/10.1080/1354571X.2014.962258]
Franco Basaglia : Préface au livre Le jardin des mûriers. Dix ans d’antipsychiatrie italienne,
Sud/Nord (Eres), 2005/1 n° 20, p. 169-174. DOI : 10.3917/sn.020.0169
Mario Colucci & Pierangelo Di Vittorio: Le 68 de la psychiatrie italienne : l’effet Basaglia. Cahiers d’Histoire, 2009 (107) 37–44. [
 http://chrhc.revues.org/1327 ]

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