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jeudi 2 avril 2015

Lorsque l’enfant ne paraît pas

LE MONDE |  | Par 


"L’Inhabitée", de Maïa Brami, Editions de l’Amandier, 142 p., 18 euros.


Pour beaucoup de parents, comprendre le désir d’enfant éprouvé par les couples et les femmes dits « infertiles », plongés dans le processus de la procréation médicalement assistée (PMA), constitue une mission au mieux difficile, voire impossible.

Pour les premiers, la parentalité double l’amour d’une myriade de tâches concrètes ; pour les seconds, l’enfant reste un horizon d’attente, un vide dont les taux de réussite de la PMA rendent le comblement incertain. Ce roman-récit aidera incontestablement à combler ce fossé bien réel.

Maïa Brami, auteure de livres pour la jeunesse et l’adolescence, a su avec une grande subtilité retracer, dans L’Inhabitée, les espoirs, souvent déçus, de celles et ceux qui peuplent en nombre les cabinets et les cliniques où l’on pratique fécondations in vitro (FIV) ou injections intracytoplasmiques de spermatozoïdes (ICSI).

Tantôt lyrique, tantôt cru, tantôt drôle, la basse continue du livre joue sur un double registre. Sans cesse, la poésie du cœur d’une écrivaine de 32 ans, à qui la « maternité est interdite », est confrontée au nécessaire prosaïsme médical pas toujours gagné à la philosophie en vogue du care (qui met en avant le soin et l’attention portés au patient).


« Mon non-enfant »


Atteinte d’un fibrome utérin, la narratrice cherche à conserver intacts la beauté et le mystère de son bébé aléatoire qui finira par exister par défaut, au moins grâce aux mots et par l’écriture : « Tout le jour il me tenaille mon non-enfant, tel un membre fantôme », écrit-elle.

Une inquiétude sourde accompagne l’itinéraire. Non seulement il faut se plier aux injonctions des examens, des stimulations, des dopplers et des IRM, des injections d’hormones autoadministrées, mais il faut affronter les mille et une rumeurs des proches sur la meilleure façon de tomber enceinte : « N’oublie pas de manger un œuf cru, hein ? C’est ce que j’ai entendu dire, il paraît que c’est très bon, ça se mélange dans le ventre. » Ou passer de longues heures sur Internet à consulter les forums où s’échangent l’alarmisme ou l’espoir. Ou encore dévorer les « études américaines » récentes : « Consommer régulièrement des produits à base de lait entier réduirait les risques d’anovulation de 25 % », etc.

Dans le livre, le soutien de son compagnon – un musicien – ne se démentira pas, même si l’intimité du couple est soumise à rude épreuve dès lors qu’il faut faire l’amour à date fixe, « le bon jour », après une ultime vérification des températures et des dates ! Dès lors qu’il faut sans cesse masquer son agacement « de devoir à chaque fois écouter l’histoire des autres et leur suggestion pour bien faire. Comme si [elle s’]y prenai[t] mal ». Dès lors qu’après les échecs successifs il faudra continuer de vivre avec un « vide » en acceptant le spectacle des mères et des enfants des autres et, plus généralement, celui des limites humaines qui ne sont pas toujours repoussées.

L’Inhabitée, de Maïa Brami, Editions de l’Amandier, 142 p., 18 euros.

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