Si la loi oblige la production d'un certificat médical afin de contrôler le bien-fondé d'une hospitalisation sans consentement, elle n'en définit pas le contenu. La HAS rappelle dans une note de cadrage les enjeux liés à la qualité de ces documents et annonce la création d'un groupe de travail chargé d'établir un protocole pour leur rédaction.
La Haute Autorité de santé (HAS) publie une note de cadrage relative aux protocoles pour la rédaction des certificats dans le cadre des soins sans consentement, validée par le collège en mars 2015. Ce projet s'inscrit dans le cadre du programme pluriannuel de la HAS relatif à la psychiatrie et à la santé mentale 2013-2016 qui vise dans son troisième thème, "droits et sécurité en psychiatrie", à améliorer la prise en charge des patients en soins sans consentement. Concrètement, il s’agit de "mettre à la disposition des professionnels des protocoles concernant le contenu des certificats, voire des modèles de documents, qui tiennent compte du stade de la procédure, de leurs destinataires et de leurs finalités", explique la HAS, dans les situations de maintien d’une personne en hospitalisation complète, de passage de l’hospitalisation complète en programme de soins, de retour en hospitalisation complète d’une personne en programme de soins ou encore de la levée de l’hospitalisation complète. Les situations d’admission et la période d’observation de 72 heures ne sont pas concernées, précise-t-elle. Un enjeu de qualité
Dans la saisine adressée à la HAS, la DGS rappelle que "les mesures de soins psychiatriques prises par les représentants de l’État sont fondées, qu’il s’agisse des mesures initiales, de leur maintien, de leurs aménagements ou de leur levée, sur des certificats ou des avis médicaux qui permettent de motiver ces décisions". Depuis la loi du 5 juillet 2011, le juge des libertés et de la détention (JLD) contrôle "le caractère adéquat de l’hospitalisation complète" sur la base des éléments que "seuls les documents élaborés par les professionnels de santé peuvent lui fournir", faisant de la qualité de ces certificats un enjeu majeur. En l’absence de ce document, la mesure devient irrégulière et entraîne la mainlevée. Mais son contenu n'a pas été précisé par la législation. Si la HAS observe que "ces certificats ou avis médicaux sont effectivement produits", ils "ne fournissent pas les éléments nécessaires au JLD pour étayer ses décisions, et des mainlevées d’hospitalisation complète sont prononcées en raison d’une justification insuffisante" de son maintien. "Pour les représentants de l’État, lorsqu’ils sont à l’origine de la décision de soins sans consentement, le caractère sommaire de certains certificats ou avis médicaux aboutit au résultat inverse, les conduisant à refuser ou différer la levée de mesures de soins ou la mise en place de programmes de soins", ajoute-t-elle.
Remédier aux différences entre cultures médicale, administrative et judiciaire
Restent de nombreuses questions à la charge des psychiatres quant à la façon de produire ces certificats sans "porter atteinte à la confidentialité, attenter au secret médical, stigmatiser la personne". Ils sont aussi contraints par le manque de temps et de ressources "face à une multitude de certificats ou avis médicaux perçus comme une contrainte administrative supplémentaire". Dans le cadre d'une enquête qualitative sur la loi du 5 juillet 2011 réalisée en Isère et en Savoie auprès de vingt-quatre acteurs de proximité concernés, les répondants ont dénoncé "l’augmentation du nombre de certificats qui représente une surcharge de travail importante, le temps de réalisation de ces certificats étant perdu pour la prise en charge des patients". Plusieurs d’entre eux se sont aussi interrogés sur les termes à utiliser dans les certificats (favoriser la rédaction en termes médicaux ou la compréhension par les juges). Ils considèrent que la loi entraîne "une confrontation des cultures médicale et judiciaire avec des préoccupations prévalentes : le soin pour le psychiatre et la liberté pour le juge". En 2013, le député Denys Robiliard (SRC, Loir-et-Cher) constatait déjà dans son rapport relatif à la santé mentale et l'avenir de la psychiatrie que les psychiatres "doutent que ces formalités contribuent réellement à remplir l’office qui leur a été assigné par le Conseil constitutionnel : s’assurer que la mesure de soins est bien "nécessaire, adaptée et proportionnée" à l’état du patient. Pour beaucoup, la rédaction de ces certificats est donc vécue comme une formalité pénible ne remplissant pas son office."
Vers un protocole présenté sous forme de fiche mémo
La HAS engage donc "un travail de réflexion partagée, d’échanges avec les intervenants issus de ces différentes cultures afin de définir un langage commun, compris par tous". À l’occasion de ce projet, elle va travailler avec les professionnels concernés ainsi que les représentants des usagers et des familles pour mettre à la disposition des psychiatres des protocoles pour la rédaction des certificats ou avis médicaux dans le cadre des soins sans consentement. En pratique, la méthode de travail envisagée est celle de la fiche mémo, "celle-ci étant une méthode de production de recommandations ou messages-clés dans un temps court et dans un format court, et s’inscrivant dans un objectif d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins", justifie la HAS. En plus d'un processus de recherche documentaire et d'analyse critique des données sélectionnées, un groupe de travail sera constitué, associant représentant des ARS, d'établissements, de la conférence des présidents de CME, de patients et d’usagers en psychiatrie, du Conseil national de l’ordre des médecins ainsi que des psychiatres, un préfet, un JLD et un avocat. Les parties prenantes (organisations professionnelles et associations de patients ou d’usagers, institutionnels, etc.) concernées seront consultées en juin sur la première version des protocoles élaborés par le groupe de travail et leurs avis seront analysés par celui-ci qui élaborera ensuite le texte final. Les documents seront présentés en septembre en commission à la HAS avant d'être validés en octobre 2015. Des formations professionnelles pourraient ensuite être incluses dans la mise en œuvre.
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