blogspot counter

Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 13 février 2015

Un voyage jusqu'aux confins de la folie

Par Soline Roy  le 13/02/2015

Dans L'homme qui voulait cuire sa mère , Magali Bodon-Bruzel et Régis Descott racontent le quotidien du service de psychiatrie du centre pénitentiaire de Fresnes.
Ludwig a décapité sa mère avant de faire «cuire sa tête. Avant, sa mère était une grande cuisinière, donc normal de la faire cuire». À l'heure où d'autres feuillettent les journaux, Magali Bodon-Bruzel lit les dossiers de ses nouveaux pensionnaires et les commentaires ainsi écrits à la hâte par divers intervenants. Elle y perçoit les ténèbres de ceux que nous nommons trop hâtivement des monstres. De prison en unité psychiatrique, voici plus de vingt ans que la psychiatre traque sans relâche la part d'humanité de ces hommes et femmes qui ont commis l'impensable. Aujourd'hui chef du service de psychiatrie du centre pénitentiaire de Fresnes, elle nous raconte, avec le romancier Régis Descott, ces lieux étranges où l'on soigne l'âme des détenus et l'histoire d'une douzaine de ceux qu'elle y a rencontrés. Et l'on ne tarde pas à comprendre qu'être atteint d'une maladie mentale, c'est avant tout «une folle souffrance» lorsque l'«enveloppe psychique se brise». Ceux qui ont commis un crime (une infime minorité des malades, faut-il le préciser) doivent en sus «apprivoiser» et «accepter d'avoir vécu» avec un monstre en eux.
Avant le crime, certains ont rejeté soins et médicaments ou caché la gravité de leur état. D'autres ont désespérément cherché de l'aide: loin d'être heureux, insiste la psychiatre, le malade délirant «souffre d'une atroce absence de limites qui le rend éternel mais dissous». «Personne n'a voulu m'aider», témoigne ainsi une mère qui avait, dit-elle, alerté plusieurs médecins qu'elle tuerait ses trois enfants. Max, «jamais hospitalisé malgré ses demandes», s'est en vain présenté au commissariat après avoir violé et assassiné une première femme. Assailli de visions morbides, il tuera à nouveau et se dénoncera, «pour que ça s'arrête».

Irresponsabilité

Au sein des doutes, une certitude: «Comparer les psychotiques aux non-psychotiques, c'est être injuste et mal juger.» Ils ont, explique la psychiatre, une manière «fondamentalement autre» de vivre leur être, leurs proches, leurs actes. Surgit alors la question de l'irresponsabilité pénale, «probablement pas acceptable pour les proches de la victime», convient la psychiatre souvent chargée d'expertise. Mais étaient-ils vraiment libres, «ces criminels (…) à moitié pathologiques, à moitié normaux»? «Cette problématique (…) scotche les soignants, mais surtout les humains que nous sommes, au fauteuil de notre savoir.»

Aucun commentaire: