Les médias aiment s’en emparer. Les victimes ne cessent d’augmenter. Et les médecins craignent de les soigner. De quoi s’agit-il ? Des troubles du comportement alimentaire (TCA). Un ensemble de pathologies potentiellement graves que les structures associatives tentent d’ériger au rang des problématiques nationales.
Une lettre au Président, assortie d’une pétition nationale*, circule depuis peu sur le net et sur les réseaux sociaux « pour la mise en place d’un plan national de diagnostic précoce et de développement des filières de soins des Troubles du Comportement Alimentaire ». Déjà signée par de grands noms, de l’anthropologue Edgar Morin au défenseur écologique Nicolas Hulot, en passant par le neurobiologiste Jean-Didier Vincent, la pétition espère recueillir au moins 10 000 signatures.
Son argumentaire repose sur un socle solide, constitué entre autres par les dernières recherches scientifiques et épidémiologiques. Quelques chiffres assénés et l’on comprend tout de suite l’intérêt de ce mouvement : 19 %, c’est le pourcentage d’adolescentes qui déclarent expérimenter des stratégies d’amaigrissement, comportements qui peuvent mener vers un véritable TCA, aujourd’hui reconnu comme la deuxième cause de mortalité des 15-24 ans, après les accidents de la route. Aux États Unis, l’anorexie mentale arriverait même en troisième position dans la catégorie des maladies chroniques, après l’obésité et l’asthme. Prévenir, dépister, soigner, tel est donc l’enjeu de cet appel à signer.
Des pistes de réflexion
Derrière l’écho médiatique parfois trompeur se cache un trouble insuffisamment soigné : seulement la moitié des personnes atteintes de TCA sont prises en charge. Manque d’expertise, offres de soins disparates, etc. Les causes de ce défaut de soins sont clairement identifiées. Le délai de prise en charge vers une structure spécialisée atteint les 2-3 mois en moyenne. En France, dans certaines régions, l’offre de soins est même inexistante.
Partant de ce triste constat, les spécialistes, parmi lesquels le professeur de pédopsychiatrie émérite Philippe Jeammet, ont élaboré des pistes de travail et de réflexion. Entre autres, des programmes de prévention conçus sur le modèle anglo-saxon, un réseau de soins multidisciplinaire et des formations (pour les praticiens de première ligne principalement). En insistant sur les lourdes conséquences des TCA, conséquences aussi bien psychiques, somatiques, sociales que financières, les promoteurs de cette pétition entendent bousculer les consciences : Oui, le TCA est une maladie grave et, oui, la prévention peut éviter ce désastre humain.
Le rôle des émotions
Selon le Pr Philippe Jeammet, la prévalence importante de ces troubles est le reflet d’une faille sociétale profonde. Celle, notamment, de ne savoir que faire de nos émotions. « Notre compréhension des émotions est moyenâgeuse. Nous restons attachés à l’idée d’un esprit tout-puissant, détaché du corps et des émotions », constate le professeur.
À l’instar de l’OMS, qui érige le travail sur les émotions au rang de« compétence indispensable » à intégrer dans l’éducation de la jeunesse, l’expert émérite déclare : « Il faut sortir de ces représentations et montrer le vrai rôle des émotions, qui est central pour comprendre le fonctionnement réel de notre psychisme, la manière dont nous nous raidissons face à la peur, et les moyens d’éviter que cela ne débouche sur un enfermement. » Les TCA étant l’un de ces « raidissements », qui multiplie par 12 la mortalité de celles – et ceux – qui en souffrent.
Dr Ada Picard
* Pétition « Anorexie mentale et boulimie : Et si on arrêtait le gâchis ? » Par l’Association Française pour le Développement des Approches Spécialisées des Troubles du Comportement Alimentaire (AFDAS-TCA), et la Fédération Nationale des Associations d’aide aux Troubles du Comportement Alimentaire (FNA-TCA).
www.change.org
La ligne téléphonique « Anorexie Boulimie info écoute » : 0810 037 037
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