blogspot counter

Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mardi 20 janvier 2015

Les USA face au « binge drinking »

16/01/2015

Le centre de contrôle des maladies (CDC) d’Atlanta vient de publier une newsletter entièrement consacrée à la question de l’alcool et surtout des effets du « binge drinking » (beuveries) qui posent un réel problème de santé publique aux USA : l’excès de consommation de boissons alcoolisés y est aujourd’hui la 3ème cause de mortalité évitable.
Le « binge drinking » est défini par l’absorption de plus de 4 verres chez la femme et 5 chez l’homme lors d’une seule occasion. Approximativement un adulte sur 6 s’adonne à cette pratique au moins 4 fois par mois. En moyenne le nombre maximal de boissons alcoolisées bues par personne au décours d’une soirée est de 8. Les jeunes entre 12 et 20 ans consomment 11 % de toutes les boissons alcoolisées aux USA. Plus de 90 % de cet alcool est absorbé au cours de ces « binge drinking ».
Une récente étude (1) faite à partir de la base de données du CDC  fait le point sur la mortalité et les années de vies perdues liées à ces pratiques. De 2006 à 2010, la moyenne annuelle de décès prématurés  et de vies perdues ont été respectivement de 87 798 (27,9/100 000 habitants) et 2,5 millions (831,6/100 000). Pour les décès prématurés, le taux  ajusté selon l'âge varie de 51,2/100 000 au Nouveau-Mexique à 19,1/100 000 dans le New Jersey. Parmi les adultes en âge de travailler, 9,8 % de tous les décès et 69 % de tous les décès prématurés durant cette période, étaient attribuables à une consommation excessive d’alcool

Un coût économique énorme

Le coût économique (2) estimé lié à la consommation excessive d'alcool a été établi à $ 223,5 milliards (72,2 % par rapport à la perte de productivité, 11,0 % des coûts de soins de santé, 9,4 % des coûts de justice pénale, et 7,5 % d'autres effets), soit environ 1,90 $ par boisson alcoolisée. Le « binge drinking » a entraîné des coûts de $ 170,7 milliards soit 76,4 % du total; l’alcoolisme  des mineurs de $ 24,6 milliards ; boire pendant la grossesse $ 5,2 milliards. Le coût de la criminalité attribuable à l'alcool est estimé à $ 73,3 milliards. Le coût pour le gouvernement est de 94,2 milliards (42,1% du coût total), ce qui correspond à environ 0,80 $ par boisson alcoolisée consommée.
Sur une base par habitant, l'impact économique de la consommation excessive d'alcool aux États-Unis est d'environ $ 746  par personne, essentiellement imputable au « binge drinking ».

Quelle est la meilleure stratégie de lutte ?

Les données (3) sur 29 politiques de lutte dans les 50 Etats et à Washington DC de 2000 à 2010 ont été recueillies à partir de plusieurs sources et analysées entre Janvier 2012 et Janvier 2013. Cinq méthodes d'agrégation des données stratégiques pour calculer des scores d’efficacité ont été explorées. Les données de prévalence « binge drinking » 2001-2010 ont été obtenues à partir des enquêtes du système Behavioral Risk Factor Surveillance.
Une étude (4) a permis d’examiner les relations entre les politiques de lutte contre l'alcoolisme au niveau des différents états et leurs effets sur le binge drinking au niveau individuel. Il est apparu que les politiques qui ciblent la population générale plutôt que de la population des mineurs, la consommation d'alcool plutôt que le comportement avec des facultés affaiblies, l’augmentation du prix ou la réduction de la disponibilité de l'alcool avaient les plus forts effets sur la réduction des habitudes nocives. Les taxes sur l'alcool et le contrôle des ventes représentaient environ la moitié de la valeur de l'effet observé pour toutes les politiques. Au total parmi les politiques anti-alcool seules celles qui ont augmenté les prix de l'alcool et réduit sa disponibilité semblent affecter le taux des beuveries. 
Un guide (5) des meilleurs politiques a été ainsi mis à disposition par la « task force » pour la prévention. Cette task force est constituée de 15 spécialistes indépendants en santé publique qui a pour objectif d’apporter des preuves dans le domaine de la santé publique à l’instar de l’ « evidence based medecine » en clinique.
Parmi ces politiques efficaces retenues par la task force il faut signaler la responsabilisation juridique des vendeurs d’alcool, l’augmentation des taxes sur l’alcool, la limitation du nombre de jours et des heures de vente d’alcool, l’interdiction de vente à un client ivre, le contrôle gouvernemental de la vente de l’alcool, la régulation de la densité des points de vente et les programmes de formation des vendeurs d’alcool notamment en matière juridique.
Le binge drinking n’est pas encore aussi répandu en France et en Europe qu’aux USA mais il faut craindre que cette mode traverse l’Atlantique comme bien d’autres. On pourra aussi s’inspirer de cette façon d’appréhender les problèmes de santé publique en mesurant l’efficacité des programmes de prévention. Certaines de ces mesures n’iront pas de soi dans nos pays et susciteront bien des débats.
Dr Francis Leroy
RÉFÉRENCES
1) Stahre M et coll. : Contribution of Excessive Alcohol Consumption to Deaths and Years of Potential Life Lost in the United States. Prev Chronic Dis. 2014; 11: E109. doi: 10.5888/pcd11.130293 PMCID: PMC4075492 Peer Reviewed

2) Bouchery EE1 et coll. : Economic costs of excessive alcohol consumption in the U.S. Am J Public Health., 2014; 14:e1-e7. 

3) Naimi TS et coll. : A new scale of the U.S. alcohol policy environment and its relationship to binge drinking. Am J Prev Med. 2014; 46: 10-6.


4) Xuan Z1 et coll.: The Alcohol Policy Environment and Policy Subgroups as Predictors of Binge Drinking Measures Among US Adults. Am J Public Health., 2014; publication avancée en ligne le 14 Août.

5) (http://www.thecommunityguide.org/alcohol/Summary_Alcohol_Interventions082413.pdf)

Aucun commentaire: