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lundi 19 janvier 2015

Du cannabidiol pour les vétérans américains

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO |  | Par 

Avec deux millions de soldats ayant participé à la guerre antiterroriste depuis 2001, les Etats-Unis sont confrontés à une épidémie sans précédent de syndromes de stress post-traumatique. Inconnu du public après le Vietnam ou la première guerre du Golfe, le sigle PTSD (post-traumatic stress disorder) fait maintenant partie du langage courant. Selon les autorités militaires, quelque 20 % des soldats de retour des zones de conflit en sont affectés. Sous forme soit de cauchemars récurrents, soit de terreurs subites, voire d’impossibilité à se réadapter. Un rapport du département des anciens combattants publié en février 2013 a estimé le nombre de suicides dans l’armée à 22 par jour en moyenne : plus que celui des morts au combat.


Débordé, le Pentagone a annoncé le recrutement de milliers de psychologues supplémentaires dans les hôpitaux réservés aux vétérans. Le budget consacré à la santé mentale a doublé en cinq ans. Mais l’absence de prise en charge efficace conduit à une recherche de traitements alternatifs. A la faveur du mouvement de dépénalisation du cannabis qui se développe aux Etats-Unis, l’idée d’utiliser la marijuana comme auxiliaire de traitement s’est propagée dans les milieux médicaux. Au grand embarras du Pentagone : certes, 23 Etats sur 50 autorisent maintenant la marijuana médicale, mais le cannabis reste une drogue proscrite au niveau fédéral.

Plus des trois quarts des soldats diagnostiqués avec un PTSD sont soignés à l’aide de psychotropes. « C’est pathétique, critique le docteur Sue Sisley, spécialisée dans le soutien aux anciens combattants en Arizona. Nous n’avons à notre disposition que deux médicaments seulement, le Zoloft ou le Paxil, qui soient approuvés par la Food and Drug Administration [FDA] », l’agence fédérale du médicament. Et ils ont des effets secondaires importants sur le poids et la sexualité des patients, dénonce-t-elle. « Ils rentrent de la guerre, ils veulent profiter de la vie. Nous les rendons gros et impuissants ! »

Le docteur Sisley a commencé à s’intéresser au cannabis après avoir traité nombre de pompiers, policiers et autres intervenants dans les opérations d’urgence. Elle qui se décrit comme conservatrice désapprouvait la consommation de marijuana. Mais à force de voir ses patients utiliser la plante, au risque de se mettre hors la loi, et les entendre en vanter les bénéfices, elle a mis en place un protocole de recherche qui a été approuvé par la FDA en mars 2014. « Personne ne dit que c’est le” traitement contre le PTSD, explique-t-elle. Mais c’est très efficace pour le contrôle des symptômes. »


Retour à la normale


Selon la chercheuse, les vétérans souffrent de difficultés d’endormissement et d’insomnies. « Ils vivent en état de privation de sommeil pendant des années, ce qui les empêche de fonctionner normalement. » La marijuana les aide à s’endormir et limite les flash-back et les terreurs nocturnes. Elle a aussi l’avantage d’avoir une efficacité de quelques heures seulement, ce qui leur évite de se réveiller assommés par les médicaments.

Après avoir obtenu l’agrément des autorités, Sue Sisley a été priée d’aller mener ses recherches ailleurs par la faculté de médecine de l’Arizona, hostile à la marijuana médicale, Elle a été « repêchée » par l’Etat voisin du Colorado, le premier à avoir légalisé le cannabis en janvier 2014. Le département de la santé publique lui a offert une bourse de 2 millions de dollars (1,7 million d’euros) pour mener à bien son expérience, prévue sur 80 anciens combattants. Selon elle, le cannabidiol (CBD), administré par un vaporisateur, est mieux adapté au traitement du PTSD que les plantes à haute teneur en THC (tétrahydrocannabinol), le composant psychoactif de la marijuana : « Il faut éviter tout ce qui pourrait accroître les problèmes d’anxiété ou de psychose », explique-t-elle.

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