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jeudi 27 novembre 2014

Une aide sur mesure pour les malades d’Alzheimer


LE MONDE 
Par 

A Sens, chez Maria Mimard, 89 ans, suivie par des spécialistes de la maladie d’Alzheimer.

Sens (Yonne) - envoyé spécial
« Il faut que je dise ce que c’est ? C’est la coccinelle ! » Du doigt, Maria Mimard, 89 ans, pointe un dessin sur une des cartes du jeu de société disposées devant elle. Les règles ont été un peu simplifiées et pendant une heure, ce mercredi 12 novembre, à chaque point remporté, un sourire illumine le visage de cette habitante de Sens (Yonne), atteinte de la maladie d’Alzheimer. A côté d’elle, autour de la table de la cuisine, les deux membres de l’équipe spécialisée Alzheimer à domicile (ESA) venus animer sa séance hebdomadaire rivalisent d’encouragements.
« Depuis notre première rencontre, où on la sentait triste, Mme Mimard a retrouvé un souffle de vie », se félicite Odile Malaprade, psychomotricienne et salariée de SOSM, la structure de soins infirmiers à domicile qui propose depuis trois ans à Sens ce dispositif créé par le plan Alzheimer 2008-2012. Sur l’ensemble du territoire, 454 équipes pluridisciplinaires de ce type ont suivi en 2013 un peu plus de 13 000 malades d’Alzheimer, sur un total d’environ 850 000.

Le nouveau plan national maladies neurodégénératives 2014-2019, qui devait être présenté mardi 18 novembre, prévoit notamment la création de 74 nouvelles ESA de ce type, soit 2 220 malades supplémentaires accompagnés. Il met également en place l’expérimentation de cette aide avec des personnes atteintes de la maladie de Parkinson (150 000 malades) ou de la sclérose en plaques (85 000).
Le dispositif consiste en douze à quinze séances d’une heure sur une période de trois mois, soit environ une par semaine. Renouvelable tous les ans et accordé sur prescription médicale, il est intégralement pris en charge par la Sécurité sociale. Les deux premières séances, auxquelles participent une infirmière et un psychomotricien ou un ergothérapeute, permettent d’étudier le malade, son entourage et son domicile afin d’établir des« objectifs » spécifiques à mettre en place avec lui. Il faut aider certains à garder une sociabilité ou « trouver les déclics pour compenser le manque de mots » chez d’autres.
« Ne pas les mettre en échec »
Promenade, jardinage, lecture, jeux de société, élaboration d’un arbre généalogique, tenue d’un « cahier de vie », écoute de musique classique, visite de musée… A chaque malade, sa réponse.« C’est du sur-mesure, il faut être très créatif », résume Odile Malaprade. Seuls critères : « valoriser les malades » et « ne pas les mettre en échec ». « On arrive à faire accepter aux patients des choses que la famille ne pourrait pas faire ou demander, comme jouer à la marchande », fait valoir Mireille Spitzer, la directrice de la structure.
Véronique Serdin, infirmière coordinatrice chez SOSM, n’en fait pas mystère. Face à la maladie, il n’y a pas de « baguette magique », « mais nous pouvons améliorer le bien-être de la personne et soutenir son entourage ». « Il faut redonner un peu d’envie aux patients, complète Florence Faraht, ergothérapeute. Et faire comprendre à la famille que ces petits moments de bonheur, c’est déjà ça de pris. »
Dans un autre quartier de Sens, chez Catherine Henri, 86 ans, malade depuis sept ans, l’accompagnement prend ce jour-là la forme d’une promenade jusqu’aux rives de l’Yonne, toute proche. Objectif pour Virginie Nino, l’assistante de soins en gérontologie :« créer une relation de confiance ». Au cours de la marche, elle lui pose simplement quelques questions. « De quelle couleur sont les volets ? Que voyez-vous sur l’eau ? »
« Mon quotidien, c’est ma mère »
Quelques minutes plus tard, de retour dans le petit appartement, Mme Henri ne se souvient déjà plus de rien. Virginie Nino juge pourtant que l’exercice n’a pas été vain. « Alzheimer est une maladie où il faut tout le temps stimuler le patient », explique-t-elle.
« Cet accompagnement, ainsi que l’accueil de jour le lundi, permet que la maladie évolue beaucoup moins vite », confirme Patricia, 61 ans, la fille de Mme Henri. La visite de l’équipe spécialisée Alzheimer est également pour elle l’occasion de « souffler » un peu. « Pendant une heure, je peux m’aérer, car mon quotidien, c’est devenu ma mère, raconte-elle, l’air las. Depuis un an et demi, j’ai mis ma vie entre parenthèses et vis cloîtrée à la maison. C’est ma mère qui décide de tout. Je ne fais plus rien toute seule. J’ai parfois envie de péter les plombs. »



Soutenir les proches, parfois confrontés quotidiennement aux cris, aux répétitions, aux redites, fait également partie des missions des ESA. « Si on ne protège pas l’aidant, souvent présent 24 heures sur 24, on va à la catastrophe », souligne Florence Faraht. Le nouveau plan rappelle ainsi que « pour les professionnels du soin et de l’accompagnement, il va être nécessaire de penser chaque intervention “en complémentarité” et en “appui” de l’aide informelle, dans le respect du rôle et de la place de chacun, en évitant des réponses standardisées ».

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