22 SEPTEMBRE 2014
Ils (ou elles) sont jeunes. Ils ont moins de 60 ans, et sont atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée. En France, ce sont près de 20 000 personnes qui sont concernées. Quand cela arrive, on ne voit rien, on ne comprend rien, et nul ne pense à cette maladie. On tâtonne, on hésite. Pire, on stigmatise. La maladie d’Alzheimer étant classée par tous comme une maladie des vieux, les premiers signes manifestés par ces hommes et ces femmes sont attribués à des troubles psychologiques ou à des pathologies psychiatriques. On les prend pour des fous. Et cela peut durer des années. «Le diagnostic tardif et l’errance diagnostique constituent deux caractéristiques du parcours des personnes malades jeunes», lâchent les experts qui viennent de publier une enquête sur ces moins de 60 ans (1).
«Mon mari avait 47 ans, moi j’avais 42, raconte Françoise. Il était commercial, toujours impeccable, très organisé et plutôt strict. Plusieurs jours de suite, j’ai dû renouer sa cravate moi-même et l’obliger à changer de chemise. Cela n’était jamais arrivé. Puis, je l’ai surpris en train d’appeler des amis trois fois de suite en une demi-heure. Nous avons mis ça sur le compte du surmenage. J’ai même pensé à une petite déprime. Ce sont nos enfants qui ont repéré que, fondamentalement, quelque chose n’allait pas.»
En moyenne, dans cette catégorie des moins de 60 ans, les premiers troubles surviennent vers 52 ans, l’arrêt de l’activité professionnelle vers 55 ans, et l’âge moyen au moment du diagnostic un an plus tard : vers 56 ans. La quasi-totalité de ces jeunes malades vont donc «sortir du marché du travail», et cela alors même que le diagnostic n’est pas toujours clairement établi.
Un arrêt d’activité est lourd de conséquences. Voilà ces malades à part, souffrant «d’une désocialisation rapide et importante». Ils ne voyagent plus, ils ne s’impliquent plus dans les activités bénévoles et associatives, ils arrêtent le sport, mais aussi de conduire. Et tout se surajoute. Sans travail, mais aussi avec de gros soucis familiaux : la maladie bouleverse la vie familiale. «Huit mois après le diagnostic, alors que mon mari tardait, je l’ai aperçu par la fenêtre : il était perdu sur le trottoir d’en face, incapable de retrouver l’entrée de l’immeuble. Là, j’ai été obligée d’accepter la gravité de sa maladie. Et j’ai pleuré», poursuit Françoise.
Leur avenir ? Déni, difficultés à se projeter : 40% de ceux dont le diagnostic de la maladie date de moins de deux ans déclarent ne pas vouloir entendre parler de leurs besoins futurs. «Je vis au jour le jour, c’est le seul moyen de faire face à un avenir fait de multiples incertitudes», lâche un des 42 patients qui a répondu à cette enquête.
(1) Etude sur le comportement des malades jeunes (moins de 60 ans), réalisé par la Fondation Mederic Alzheimer.
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