Il y a cinquante ans encore, on disait des fous qu’ils étaient incurables. Dans son dernier livre, le neuropsychiatre français raconte l’évolution de son métier
Les yeux fermés. Pour mieux se rappeler, mieux penser et articuler. De son propre aveu, Boris Cyrulnik préfère les interviews téléphoniques, parce qu’il peut y répondre les yeux fermés. Alors on l’imagine, tête renversée, souvenirs affleurant à l’arrière des paupières, rideaux tirés sur la pluie battante. A Toulon, d’où il nous parle, le temps est maussade.
Après Sauve-toi, la vie t’appelle, paru en 2012, Boris Cyrulnik publie Les Ames blessées, deuxième tome de ses mémoires.
L’enfant juif rescapé des rafles a grandi pour devenir neurologue, la discipline universitaire qui, à l’époque, s’apparente le plus à la psychiatrie. Dans ce livre, qui se lit comme un journal de bord, Boris Cyrulnik raconte son parcours professionnel singulier, à la marge d’une spécialité médicale qui doit tout à l’après-68.
Samedi Culturel: A l’âge de 11 ans déjà, vous disiez vouloir devenir psychiatre. C’est d’autant plus étonnant que la spécialité n’est alors, dans l’immédiat après-guerre, pas très connue.
Boris Cyrulnik: Oui, cette vocation précoce s’explique sans doute par la nécessité de comprendre ce qui venait de m’arriver, la disparition de mes parents, mon arrestation – pourquoi avait-on voulu me tuer? Je croyais que la psychiatrie allait m’aider à comprendre la «folie» du nazisme. Comprendre l’adversaire pour mieux le maîtriser, c’était ma seule liberté. Je constate surtout que je ne suis pas le seul à l’avoir cru: je le vois autour de moi, parmi les juifs qui ont connu une enfance semblable, on trouve un nombre anormalement élevé de psychiatres et de psychanalystes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire