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mercredi 19 février 2014

«Je me demande si cela n’est pas pire que d’être inconscient»

17 FÉVRIER 2014
«Ce sont des êtres humains à part entière, ils ne sont ni morts ni mourants», avait dit le Comité consultatif national d’éthique. Ils seraient entre 1 500 et 2 000 à avoir eu un grave accident neurologique qui les a laissés en «état de conscience minimale» ou «état pauci-relationnel». Ce serait la situation dans laquelle se trouve, depuis cinq ans, Vincent Lambert.
Que peut-on dire de leur présence ? Même le Conseil d’Etat a, d’une certaine façon, déclaré forfait. «La conscience est le début d’un monde. En son absence, il n’y a pas de soi, pas d’environnement, pas de douleur, pas de joie ; il n’y a simplement rien du tout», énonce-t-on dans la Genèse. Certes, mais rien du tout, c’est quoi ?

Depuis vingt ans, la neurologie a avancé, en tentant de dessiner des frontières pour ces patients hors d’atteinte. Schématiquement, il y a donc le «coma», c’est-à-dire une situation dans laquelle les patients ne présentent pas d’éveil, pas de rythme sommeil-veille ; les yeux sont continuellement fermés, et il n’y a aucune interaction avec l’environnement. En second lieu, il y a les patients en état végétatif : ils peuvent avoir des périodes d’ouverture des yeux, mais les réactions restent des réflexes. Enfin, plus récemment, ont été définis les états de conscience minimale ou «état pauci-relationnel». Ce sont eux qui soulèvent le plus d’interrogation.
Que veut dire un peu de conscience ? Réponse technique d’abord : «La personne en état pauci-relationnel présente des réactions comportementales minimales mais précises, lesquelles semblent témoigner de la conscience que le patient a de lui-même ou de l’environnement, explique le professeur Nicolas Bruder (hôpital La Timone à Marseille). Ce comportement est incohérent, mais il se distingue nettement du comportement réflexe.» En majorité, les personnes dans cet état ont moins de 60 ans.
Ils sont là, mais que vivent-ils ? «Le relationnel est très ténu, poursuit Nicolas Bruder. Il y a quelque chose, mais en tout état de cause, cela reste un handicap majeur, terrifiant, avec peut-être des éclairs de lucidité, mais la personne a des facultés très, très diminuées.» Et ce réanimateur ajoute : «Je me demande même, parfois, si cela n’est pas pire que d’être inconscient.» Il dresse alors ce constat : «Pour nous, évidemment, c’est un échec. En réanimation, le but est que le patient sorte du coma, mais pas que le patient soit en état végétatif ou en état pauci-relationnel. Il vaut mieux éviter cela.»
Restent les autres, c’est-à-dire les proches. «Il y a tous le cas de figure, conclut Nicolas Bruder, car tout est si singulier. Parfois, le malade va être progressivement totalement abandonné, d’autres fois il va être surinvesti, avec des proches omniprésents. Mais dans tous les cas, la douleur des familles est immense.»

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