Invité à présenter au congrès du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux les caractéristiques de l'exercice infirmier hospitalier, Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat national des professionnels infirmiers a dressé un sombre portrait, avec tout de même quelques espoirs.
Devant un parterre d'infirmiers libéraux venus à Toulouse pour fêter les 40 ans de leur syndicat (le Sniil) et réfléchir aux défis et opportunités de leur exercice, Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) a plutôt donné de mauvaises nouvelles des infirmiers hospitaliers jeudi 10 octobre. Il a commencé son intervention en déclarant que depuis dix ans leur environnement de travail s'était profondément dégradé. Pour étayer ses propos, il a passé en revue les différents dysfonctionnements qu'il a pu observer.
Tout d'abord la charge de travail des infirmiers hospitaliers a, selon lui, augmenté avec le développement de l'Hospitalisation à domicile (HAD), des hôpitaux de jour et des alternatives à l'hospitalisation. Les patients qui restent dans les établissements de santé publics ont majoritairement des pathologies très lourdes. Autrefois dans un même service, ces malades nécessitant des soins importants ne représentaient que la moitié des malades. Cette évolution est d'autant plus difficile à gérer que 100 000 lits environ auraient été fermés en France en une décennie. Ces patients ne sont pas perdus pour tout le monde. Ils se retrouvent entre les mains notamment des libéraux.
Une gestion au moins disant
Mais ce n'est pas tout. Pendant longtemps, la gestion des ressources humaines hospitalières privilégiait l'augmentation des qualifications des personnels soignants. Aujourd'hui Thierry Amouroux estime que l'heure serait plutôt à la recherche de capacités professionnelles à moindre coût. Et de citer l'exemple de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) et de ses 37 hôpitaux représentant 10% des établissements publics français et qui pour la première fois en 2012 comptait, selon lui, plus d'aides-soignantes que d'infirmières. L'instauration des Groupes homogènes de malades (GHM) qui implique que tout le monde soit traité pareil – toujours selon Thierry Amouroux – donnerait aux établissements des airs d'usine à boulons et serait la cause du départ anticipé de certains anciens infirmiers mais aussi de la fuite prématurée des plus jeunes.
L'enchaînement des actes techniques leur donne parfois le sentiment de mal faire leur travail et de ne pas avoir assez de temps pour réellement prendre soin des patients. Il regrette également la disparition des surveillantes générales au profit des cadres de santé, qui selon lui méconnaissent les soins et sont des managers "pur jus". Le syndicaliste a poursuivi son réquisitoire en évoquant la "maltraitance institutionnelle". Dans un pôle gériatrique, la consigne aurait par exemple été donnée de changer les couches des résidents uniquement si la languette témoin de taux d'humidité était au maximum, sinon cela aurait été considéré comme du gaspillage.
Soigner des indicateurs
Il a salué les fiches techniques d'un autre temps mises à disposition des infirmières par rapport à un soin. Aujourd'hui la multiplication des normes et des protocoles lui donne l'impression de travailler pour soigner des indicateurs et faire en sorte qu'ils soient au vert. Autre signe qui ne trompe pas, le turn over des infirmiers est important : il concernerait 20% des infirmiers à l'AP-HP. Certains services se retrouveraient constitués exclusivement de juniors à Paris mais aussi ailleurs. Thierry Amouroux considère que par le passé les séniors jouaient un rôle important dans la formation des internes ou le contrôle des prescriptions médicales.
Aujourd'hui, les revendications syndicales au regard d'un contexte économique peu favorable sont importantes. Dans cette liste, il place notamment la négation de la reconnaissance de la pénibilité du métier d'infirmier. Le projet de réforme des retraites aurait pu changer les choses mais cela semble plutôt mal parti. Thierry Amouroux espère bien néanmoins voir évoluer la profession d'infirmier dans le bon sens via par exemple le développement des pratiques avancées, des coordinations ville/hôpital, des maisons de garde... des dispositifs qui pourraient apporter de nouvelles responsabilités aux infirmières et rendre le métier plus attractif.
Lydie Watremetz, à Toulouse
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