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vendredi 18 octobre 2013

Peut-on apprendre "en ligne" ?

LE MONDE | Par 

On doit cette terrifiante allégorie d'un MOOC transformant tout sur son passage dans l'enseignement supérieur à Michael Branson Smith, un professeur assistant de communication du York College de New York. Parmi les spécialistes cités en bas de l'affiche, George Siemens est un théoricien de l'apprentissage dans une société basée sur le numérique (ce qu'on appelle le "connectivisme").
On doit cette terrifiante allégorie d'un MOOC transformant tout sur son passage dans l'enseignement supérieur à Michael Branson Smith, un professeur assistant de communication du York College de New York. Parmi les spécialistes cités en bas de l'affiche, George Siemens est un théoricien de l'apprentissage dans une société basée sur le numérique (ce qu'on appelle le "connectivisme"). | Michael Branson Smith

L'engouement pour l'enseignement en ligne (en particulier les "massive open online courses", ou MOOC) s'est traduit récemment par le lancement d'une plate-forme nationale, "France université numérique", par le gouvernement, dans le but de rattraper le retard français en la matière.
Certains proclament déjà que la France risque de rater la plus grande révolution de l'enseignement depuis Gutenberg. Mais l'accusation semble prématurée, tant les premières expériences sont à la fois récentes et ambiguës, et tant l'histoire nous enseigne que la technologie ne suffit pas à bouleverser la pédagogie.
L'argument en faveur des cours en ligne est d'abord technologique : grâce à Internet, des vidéos articulées à des exercices en ligne, aux corrections largement automatisées, devraient mettre les cours des plus grands savants à la portée de tous.
Or Internet n'est pas la première révolution technologique qui provoque de tels espoirs – ni même qui connaisse de tels succès initiaux : l'imprimerie, la poste, la radio, la télévision éveillèrent chacune en leur temps le rêve d'une démocratisation de la science.

UN PIS-ALLER POUR LES ÉTUDIANTS
Si l'imprimerie fut pour la diffusion du savoir et la pédagogie un instrument prodigieux, les autres technologies ne donnèrent pas lieu aux mêmes transformations.
Certes, de nombreux élèves et étudiants les utilisèrent, surtout pour la formation continue, dès le XIXe siècle avec les cours par correspondance. Leurs effectifs dépassèrent parfois, surtout aux Etats-Unis, ceux d'universités très élitistes. Pourtant, elles restèrent un pis-aller pour les étudiants, sauf pour les salariés qui ne pouvaient faire autrement.
La difficulté invoquée par la plupart des observateurs de ces technologies est, aujourd'hui comme hier, l'invention d'un modèle économique qui permette de financer des ressources pédagogiques fournies gratuitement. Nombre de solutions sont proposées, y compris celle, bien française, de la plate-forme nationale subventionnée.
L'espoir d'économies massives sur la production et la diffusion des cours est masqué, mais bien réel. Avant de céder à cette tentation sans doute illusoire, il convient de réfléchir davantage non seulement au modèle économique, mais aussi au modèle social du cours en ligne.
RITUELS COLLECTIFS
On sait depuis longtemps que les étudiants aiment les rituels collectifs des cours en "présentiel", et que les diplômés ne sont pas recrutés sur le marché du travail pour leurs seules connaissances, mais pour les aptitudes cognitives, psychiques et sociales développées durant leurs études.
Avant d'être une transmission de connaissances, l'enseignement est d'abord un moyen de socialisation des individus. George Siemens, pionnier des cours en ligne à l'université canadienne d'Athabasca en 2007, a montré qu'ils peuvent créer, par l'intermédiaire d'Internet, des réseaux sociaux durables, mais leurs formes et leurs conséquences sur les individus sont mal connues.
Par ailleurs, les différences cognitives (profondeur et durabilité des connaissances, savoir-faire) ou psychologiques (attitude envers le savoir et le travail) entre apprentissage en ligne et en présentiel peuvent être considérables, mais sont inconnues.
Anthropologie, psychologie, sociologie, histoire des sciences, de la culture et de l'éducation doivent donc être mobilisées avant de lancer massivement les MOOC par injonction ministérielle.

Ce sont ces sciences qui, plus que l'économie et la technologie, permettront de construire le modèle social qui fera, espérons-le, le succès durable, tant culturel qu'économique et politique, des cours en ligne, et évitera les graves erreurs qui pourraient résulter d'un engouement excessif ou prématuré pour certaines de leurs formes.

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