Elle s'appelle Gabrielle. C'est une jeune fille d'une vingtaine d'années, canadienne, québécoise plus exactement. Quand elle sourit, tout son visage se plisse, ce qui lui donne un charme fou. Le problème de Gabrielle ? Elle est handicapée intellectuellement. Pas tout à fait comme les autres, en somme, même si son handicap la prédispose au talent musical et à l'oreille absolue. A Montréal, elle vit dans un centre où habitent d'autres personnes "comme elle". Gabrielle est très liée à sa sœur, Sophie, qui projette d'aller rejoindre son amoureux en Inde. Elle fait partie des Muses, une chorale qui rassemble des gens souffrant de déficit intellectuel. C'est là qu'elle a rencontré Martin, un jeune homme lui aussi handicapé dont elle est tombée éperdument amoureuse.
Par-delà cet amour naissant et l'envie de le vivre comme tout le monde, y compris sexuellement, Gabrielle va très vite être assaillie par une envie d'indépendance. Rassurez-vous, Gabrielle, le film de Louise Archambault, n'a rien d'un film à thèse. C'est juste l'histoire de deux jeunes gens vivant en marge de la société, en quête d'un bonheur qu'on leur refuse du simple fait de leurs différences. Un petit moment de grâce transcendé par les chansons de Robert Charlebois.
Car figurez-vous que Laurent, le chef de la chorale, s'est mis en tête de monter un spectacle qui aurait l'auteur de Lindberg pour vedette. Viendra, viendra pas ? S'aimeront, s'aimeront pas ? Les deux questions tournoient sans cesse au-dessus du film, jusqu'à s'entremêler parfois dans la tête de Gabrielle. Instant magique lors de la répétition d'Ordinaire, lorsque la vingtaine de choristes entonne : "Si je chante c'est pour qu'on m'entende, quand je crie c'est pour me défendre, j'aimerais bien me faire comprendre..." Magie redoublée quelques jours plus tard lorsque Charlebois lui-même viendra rejoindre les chanteurs.
Elle-même atteinte d'un syndrome de Williams, Gabrielle Marion-Rivard (qui interprète le rôle de Gabrielle) illumine le film. Alexandre Landry, Martin dans le film, est lui aussi tout à fait extraordinaire, réussissant parfaitement à donner l'illusion de l'"anormalité". Rien de voyeuriste ici, y compris dans les scènes d'amour ; le spectateur est simplement renvoyé à sa condition d'"être normal", qui réalise tout à coup que, mille fois dans sa vie, il est passé à côté de ces "invisibles" sans leur prêter attention.
Impossible de ne pas ressentir un immense sentiment de fraternité pour tous ces choristes quand, à la fin du film, sur la grande scène dressée dans un parc de Montréal, ils rejoignent Robert Charlebois pour une magnifique interprétation de Lindberg. On pense alors à Michel Berger :"Et pour quelles raisons étranges, les gens qui n'sont pas comme nous, ça nous dérange..." Gabrielle ne jouait pas du piano debout, elle était debout, tout simplement. Forte de son amour et de son sens inné de l'altérité.
"Gabrielle", de Louise Archambault, avec Gabrielle Marion-Rivard et Alexandre Landry (1 h 44).
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