Le service d'accueil des urgences de l'Hôtel-Dieu, au coeur de la capitale, fermera-t-il définitivement ses portes le 4 novembre ? C'est à partir de cette date que Mireille Faugère, la directrice de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (APHP), avait annoncé en mai vouloir voir commencer la nouvelle vie du site hospitalier de l'île de la Cité. Celui-ci doit notamment accueillir le siège de l'institution, un musée et un nouveau service de consultation sans rendez-vous 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, c'est-à-dire un hôpital « debout » pour les patients ne nécessitant pas d'hospitalisation. De nombreux services, jugés vétustes, ont déjà été transférés vers d'autres établissements, dont Cochin.
Face à la fronde menée depuis plusieurs mois par une partie des personnels et plusieurs syndicats, dont la CGT, la ministre de la santé, Marisol Touraine, avait décidé le 10 juillet de « décaler le calendrier de mise en oeuvre du projet, et en particulier la date de fermeture des urgences qui ne pourra intervenir le 4 novembre ». Une demande officiellement faite « pour ne courir aucun risque sur la prise en charge des urgences à Paris au début de l'hiver » mais qui visait aussi à ne pas gêner la campagne du PS à quelques mois des municipales.
Malgré les consignes ministérielles, la fermeture devrait tout de même être effective à cette date. Même si, à l'APHP, on préfère employer le terme de « transformation » ou de « changement dans la continuité ».
A compter du 4 novembre, les pompiers qui assuraient environ un quart des 40 000 passages annuels aux urgences de l'Hôtel-Dieu auront tous reçu pour consigne d'emmener la trentaine de cas graves par jour vers les urgences d'autres hôpitaux parisiens. Cette date du 4 novembre correspond également au renouvellement des internats. A l'Hôtel-Dieu, les internes spécialisés en urgences laisseront place lundi à cinq internes de médecine générale. Quant au transfert des lits de médecine interne, il est programmé pour le courant du mois.
"LA MINISTRE NOUS A MENTI OU ON LUI A MENTI"
« Le service d'accueil des urgences de l'Hôtel-Dieu doit fermer dans le plus bref délai, et pour nous, c'est le 4 novembre », assure sans détour Loïc Capron, le président de la commission médicale d'établissement (CME) de l'APHP, qui soutient le projet de la direction. « Le 4 novembre, il n'y aura plus de patients amenés par les pompiers, uniquement des personnes venant par leur propre moyen », confirme le professeur Jean-Yves Fagon, le responsable médical du nouvel Hôtel-Dieu. « Mais nous continuerons à accueillir des patients en urgence », tempère-t-il, faisant valoir la présence permanente de véhicules du SMUR sur place pour transférer les cas graves.
Des médecins urgentistes seniors resteront sur place, assure-t-il également. « Mais c'est à l'ARS qu'il appartient de décider la fermeture du service d'accueil des urgences. » « Les choses se font progressivement », répond Nicolas Péju, porte-parole de l'ARS pour qui, le 4 novembre, « il n'y aura pas de changement en termes de service rendu. »
« La ministre nous a menti ou on lui a menti », déplore le médecin urgentiste Gérald Kierzek. Démis de son poste de chef du SMUR début juillet pour avoir mené la fronde contre le projet de réorganisation, il se définit comme un « lanceur d'alerte » face à une décision « cynique » prise par « la technostructure médico-administrative. Ils sont en train de vider et d'asphyxier des urgences qui ont été rénovées il y a moins de cinq ans », estime-t-il. Pour lui, « si les autres services d'urgences parisiens pouvaient absorber le surplus, il n'y aurait pas de problème. Or ils sont régulièrement engorgés. Il y a par exemple parfois neuf heures d'attente aux urgences de Lariboisière ».
"NOUVEAU MODÈLE HOSPITALIER"
A l'ARS, on fait valoir que trente patients « dispatchés » sur plusieurs sites ne risquent pas de représenter une « avalanche »dans les autres services d'urgences, dont les moyens humains auront par ailleurs été renforcés. A l'ARS comme à l'APHP, on défend le « nouveau modèle hospitalier » déjà mis en route depuis le 7 octobre et qui devrait continuer d'accueillir 30 000 à 35 000 patients par an. D'ici à la fin de l'année, des médecins généralistes libéraux devraient également venir participer à la mise en place d'une « permanence de soins ambulatoires ».
« Où va-t-on si on demande aux gens de s'auto-diagnostiquer »,s'interroge Gérald Kierzek pour qui « le concept d'urgence pas grave » est « dangereux » et marque une « régression médicale ». « Cela va se passer comme pour les maternités de niveau 3. Les gens ne sont pas fous, ils vont aller là où il y a la meilleure offre de soins. »
« Si la ministre ne prend pas de mesure d'ici lundi, nous allons changer de braquet, prévient Christophe Prudhomme, médecin urgentiste et membre de la CGT Santé. Nous allons être encore plus présents dans le cadre de la campagne municipale et nous allons réfléchir à présenter une liste. »
Dans l'équipe de Nathalie Kosciusko-Morizet, Vincent Roger, conseiller UMP de Paris et élu du 4e arrondissement, annonce clairement que « même si l'UMP parisienne était pour le maintien des urgences à l'Hôtel-Dieu, ce serait techniquement et financièrement impossible de les rouvrir si on revient aux responsabilités ».
Anne Hidalgo, la candidate PS, a quant à elle de nouveau rappelé lundi matin sur France Inter qu'elle s'était prononcée en faveur d'un moratoire pour qu'il n'y ait pas de fermeture le 4 novembre.« Si c'était le cas, elle marquerait son désaccord net, souligne Bruno Julliard, son porte-parole. Même si la restructuration de l'Hôtel-Dieu a sa légitimité sur le fond, nous ne pouvons pas l'admettre sans un schéma acceptable de report vers les autres hôpitaux. »
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