Annoncer une mauvaise note à ses parents. Un art menacé ?
C'était tout un cérémonial. Attendre le moment favorable. Le lieu idéal. La queue du supermarché. Le moment de partir. Lors d'une allocution présidentielle. Le soir avant de se coucher. Pendant un tremblement de terre. Durant la crémation de mémé. Quand sa petite sœur se fait engueuler. "J'ai eu 6 en physique". Tenter de compenser avec une autre note. Relativiser : "c'est coefficient 1", "toute la classe a raté", "la prof note ignoblement", "même la meilleure n'a eu que 15". Et ce plaisir de dramatiser devant les copains : "mes parents vont me tuer". Le chemin du retour à la maison, pénitent, le passage par un magasin de fleurs, la délicieuse crainte de l'annonce, les projets aussi romantiques qu'insensés (mourir, partir, prendre un train au hasard). Les promesses en pagaille, "je vais m'y mettre", "à partir de lundi, je bosse". Il faut alors jouer de tous les registres : l'amende honorable, le regret sincère, la prise de conscience subite. Les enfants pigent vite que certains parents sont plus angoissés qu'eux et tentent de les consoler. Voire de les préserver. Eduquer ses parents, c'est toute une affaire. Il y a des voies de garage. Le mensonge cahuzacien, les yeux dans les yeux. Les falsifications maladroites de signature (je m'épargne un détour par l'éternel débat sur les ravages supposés de la notation. Les notes ? Je m'en passerais bien. Elles ne m’apprennent rien. Ce sont les élèves qui y tiennent, qui y sont attachés). L'attente du bulletin, le facteur comme menace et la boîte aux lettres comme tombeau. Et ces réactions si souvent décevantes des "vieux" qui se contentent lamentablement d'un "tu feras mieux la prochaine fois", "c'est pas la fin du monde".
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