Sebastian, 12 ans, détenu dix-huit jours à Fleury
15 février 2013
Le centre des jeunes détenus de Fleury Mérogis (Essonne), en mai. (Photo Michel Le Moine)
Justice . Une succession d’approximations administratives ont conduit un enfant rom en prison cet été, une incarcération illégale.
«C’est très probablement une première en France», estime Marie Derain, la Défenseure des enfants (et adjointe du Défenseur des droits, Dominique Baudis), pour qualifier les dix-huit jours passés à l’été 2012 par un Rom de 12 ans, arrêté pour vol, dans le centre pour jeunes détenus de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne). Or, en France, l’incarcération des mineurs de moins de 13 ans est interdite. C’est l’histoire d’une incroyable succession d’approximations ayant abouti à la confusion entre deux mineurs.
Apparence. Tout commence par l’interpellation, en janvier 2012, d’un jeune déclarant s’appeler «Raoul Stan». Il se dit Roumain, ne donne d’abord pas son âge, brouille les pistes. Un grand classique lors des interpellations d’enfants roms, où il arrive que les parents remettent d’autorité les plus jeunes aux policiers en sachant qu’ils ne peuvent pas être mis en prison. Devant son apparence juvénile, «Raoul Stan» est placé en retenue judiciaire, la procédure réservée pour les mineurs entre 10 et 13 ans.
Un premier rapport mentionne sans l’étayer la date de naissance du 1er janvier 1998, sans doute parce que s’il a 14 ans, il pourra être placé en détention. Le jeune accepte l’examen médical d’identification osseuse, qui le situe entre 13 et 16 ans. Très décrié, ce système, vieux d’un demi-siècle, est réputé pour offrir une marge d’erreur de dix-huit mois. Fin mars, Dominique Baudis présentera d’ailleurs une recommandation visant à réformer ce système.
A la suite de la retenue judiciaire, l’enfant affirme avoir 11 ans, mais personne ne semble l’entendre. «Raoul Stan» passe en première comparution devant un juge des enfants qui ne lui pose aucune question sur son âge. Mais le convoque pour l’audience devant le tribunal pour enfants le 16 février 2012. Le gamin ne s’y présente pas.
L’histoire bascule : une erreur matérielle dans le jugement attribue en effet à «Raoul Stan» la date de naissance du «23 mai 1997», en réalité l’âge de son coauteur lors du vol. Envolé dans la nature, «Raoul Stan» est alors condamné par défaut à deux mois de prison ferme.
Il réapparaît le 30 juin après une interpellation, encore pour un vol près d’un distributeur de billets. C’est reparti : il déclare cette fois s’appeler Dumitri Droundru, puis Dumitri Gheorghe, et avoir 13 ans. Il est déféré devant le parquet puis présenté à une éducatrice des services éducatifs pour les mineurs délinquants. Il lui donne enfin son vrai nom, et lui assure être âgé de 11 ans.
Le garçon, prénommé donc Sebastian, repasse devant le juge des enfants, à qui il déclare aussi sa vraie identité et ses 11 ans. Mais pour le magistrat, il est devenu «Raoul Stan, né le 23 mai 1997» et condamné à deux mois de prison ferme. Et même s’il ne fait pas ses 15 ans officiels, Sebastian est incarcéré à Fleury-Mérogis, en pleurs.
Le 10 juillet, un membre de l’Observation international des prisons (OIP), en visite à Fleury-Merogis, est intrigué par la jeunesse apparente de ce détenu, et contacte le Défenseur des droits.
Dossier. Marie Derain se rend à la maison d’arrêt : «L’enfant avait un visage particulièrement poupon, des dents très blanches montrant, par exemple, qu’il ne fumait pas», se souvient-elle. Elle découvre alors que ni les services éducatifs ni l’administration pénitentiaire ne disposent de son dossier. Elle apprend aussi qu’une personne (sans doute un parent) a déposé une pièce d’identité prouvant que Sebastian est né le 15 février 2000 (sa vraie date de naissance) : il a 12 ans et n’a donc rien à faire là. Marie Derain décortique les documents et découvre l’inversion des identités des deux coauteurs du vol.
L’ambassade de Roumanie confirme le nom du gamin, qui sort le 18 juillet. Au passage, il a subi un deuxième test d’identification osseuse qui lui attribuait entre 13 et 14 ans. Convoqué avec sa mère le 22 août, il se voit infliger un avertissement solennel et un placement en liberté surveillée pendant un an.
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