Quand le cerveau dit stop ou encore
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En plein travail, en pleine révision d'un examen, bref, au cours d'un effort, comment le cerveau "sait-il" qu'il est temps de faire une pause ? C'est cette question que se sont posée Florent Meyniel et Mathias Pessiglione, de l'unité Inserm 975 du Centre de recherche en neurosciences de la Pitié-Salpêtrière (Inserm - université Pierre-et-Marie-Curie/CNRS).
Le cerveau décide de poursuivre ou non l'effort, et donc de faire ou non un break, en évaluant les bénéfices à en tirer ou les coûts que cela implique.
Les chercheurs sont partis de l'hypothèse que l'accumulation d'un signal cérébral de fatigue déclenche la décision d'arrêter l'effort, et que, à l'inverse, sa dissipation envoie le signal de reprendre le travail en cours. Pour mesurer leur hypothèse, ils ont mis en place un test auprès de 39 personnes volontaires. L'étude a été publiée dans la revue PNAS en janvier.
PERCEPTION DE LA DOULEUR
Les sujets, allongés la tête dans un appareil d'imagerie par résonance magnétique (IRM), ont été invités à serrer une poignée de force en échange d'un paiement qui était proportionnel à la durée de leur effort. Lors de ces tests, deux techniques d'imagerie cérébrale (IRM et MEG) ont enregistré l'activité du cerveau des participants, l'une pour localiser précisément le signal et l'autre pour caractériser sa dynamique temporelle.
Les images obtenues montrent que le signal cérébral recherché correspondrait à l'activité d'une région particulière du cerveau, l'insula postérieure, qui est par ailleurs impliquée dans la perception de la douleur.
Appelé également cortex insulaire, l'insula est aussi associée aux émotions comme la colère, la peur, la joie, la tristesse, le dégoût... et serait impliquée dans les désirs conscients tels que la recherche active de drogue ou de nourriture. Des états qui affectent le corps entier en profondeur.
ARGENT ET MOTIVATION
Ce signal s'accumule pendant la production d'efforts, d'autant plus vite que la force imposée est accrue, et se dissipe pendant le repos, avec une vitesse proportionnelle aux enjeux monétaires. Plus on met d'argent, plus la motivation est grande, résume Mathias Pessiglione."La perspective d'un gain monétaire important permet de repousser littéralement les limites, c'est-à-dire d'élever le seuil de fatigue à partir duquel le cerveau déclenche la pause, au risque d'épuiser ses ressources", explique-t-il.
Son équipe avait déjà montré, dans une précédente étude en août 2011, que les récompenses monétaires améliorent l'apprentissage moteur chez l'homme et que cet effet passe par une libération accrue de dopamine dans le cerveau. De même, le sportif peut s'entraîner"plus intensément" si le résultat lui apporte un prestige social ou financier, ou l'étudiant qui prépare ses examens travailler davantage pour avoir une "bonne note" ou réussir sa carrière.
Plus globalement, il ressort que le seuil de fatigue varie en fonction de la motivation. Le cerveau est donc capable de repousser ses limites en cas de stimulation, y compris émotionnelle, ce qu'on appelle parfois l'"adrénaline". Mais il détecte également le moment où il doit faire un break.
Pascale Santi
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