par Mickaël Frison publié le 19 août 2023
par Mickaël Frison
Il y a des choses sales sur TikTok. On ne parle pas de vidéos violentes ou interdites aux mineurs, puisque l’application chinoise se veut bienveillante et «safe» pour son très jeune public. Chez Diogène France, on traite un autre genre de crasse, plus extrême : les appartements et maisons encombrés de déchets, de papiers, d’emballages, de sacs-poubelles, entassés depuis des années, par des personnes atteintes du syndrome de Diogène, un trouble qui pousse à empiler, accumuler, conserver, jusqu’à littéralement vivre dans les ordures. Sur son compte TikTok, l’entreprise créée il y a dix ans et basée à Marseille montre les interventions chez des particuliers qui se sont malgré eux laissés déborder par la situation.«Tout part d’un traumatisme dans la vie», dit Christopher Bousquet, un des salariés, notamment en charge des vidéos diffusées sur le réseau social : divorce, perte d’un proche ou chômage, et toujours une extrême solitude. «Les personnes chez qui nous intervenons ont honte de cela, se replient sur elles-mêmes»,explique le jeune homme. Plus de 600 000 abonnés se passionnent pour les nettoyages des maisons, parfois dans l’incrédulité face à ces situations hors norme.
Son succès sur TikTok, peut-être alimenté par un sentiment un brin voyeuriste, lève le voile sur ce mal et constitue une rampe de lancement pour la société, avec chaque semaine des appels pour intervenir chez un proche ou un locataire après avoir vu une vidéo. Certaines vidéos dépassent les onze millions de vues, un très gros score, comme ce nettoyage d’une salle de bains littéralement brunie par la saleté, comme recouverte d’un épais sirop. Les interventions peuvent durer plusieurs jours, jusqu’à deux semaines pour les cas les plus extrêmes. Elles ont un coût aussi : vider et nettoyer une maison entière peut grimper à 10 000 euros, mobilisant plusieurs nettoyeurs en combinaison blanche, des camions, des bennes, et les allers-retours vers les déchetteries… Blattes, souris et punaises de lit sont parfois au rendez-vous. «Nous avons eu des maisons où les ordures ont été accumulées pendant quarante ans», dit Christopher. On se pose la question : ces personnes en souffrance sont-elles d’accord pour voir leur intérieur ainsi filmé ? Les vidéos produites pour le compte TikTok sont toujours réalisées avec l’accord des personnes qui sollicitent l’intervention, assure Diogène France. Les identités ou les adresses ne sont jamais dévoilées. L’entreprise reçoit malgré tout un refus de filmer dans la moitié des cas.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire