Publié le 13 mars 2023
TRIBUNE
Prétendre que la suppression du numerus clausus va résorber la pénurie de médecins est au mieux de la pensée magique et au pire une diversion malhonnête, estime, dans une tribune au « Monde », Antoine Pelissolo, chef de service en psychiatrie et secrétaire national du Parti socialiste.
L’état catastrophique de notre système de santé est connu et l’intervention du président de la République le 6 janvier est venue confirmer que tous les plans précédents n’avaient pas suffi à apporter les solutions adéquates. Mais, à nouveau, aucune mesure n’est proposée pour résoudre une des causes essentielles de la crise, la pénurie de médecins en France. C’est en effet, avec la « grande démission » des personnels soignants, la seconde explication de l’effondrement de notre système de soins.
Il manque des médecins quasiment partout dans le pays : plus de 95 % des territoires d’Ile-de-France sont considérés comme sous-dotés en généralistes, selon les données de l’agence régionale de santé (ARS) ; certaines spécialités sont complètement absentes de nombreux départements ; les postes vacants dans les hôpitaux se comptent par milliers ; et il n’y a pas une filière qui ne soit en souffrance (santé scolaire, médecine du travail, protection maternelle et infantile, etc.).
Dans l’immédiat, le « docteur Macron » et son ministre vont amplifier les soins palliatifs : ajouter des assistants médicaux, optimiser le temps de travail, déléguer des tâches à d’autres professions elles-mêmes en pénurie, faciliter la venue de médecins étrangers qui sont déjà très nombreux dans nos hôpitaux – au risque d’appauvrir encore leurs pays d’origine –, et développer de la télémédecine que beaucoup considèrent comme des soins au rabais.
Mais rien n’est fait pour traiter réellement l’origine de la maladie, c’est-à-dire le nombre insuffisant de médecins formés par nos universités. Le discours récurrent qui prétend que la suppression du numerus clausus va tout résoudre dans dix ans est au mieux de la pensée magique et au pire une diversion malhonnête. Les promotions d’étudiants issus de la réforme de la première année des études de médecine, qui reste très sélective, n’ont augmenté que d’à peine 15 % par rapport aux précédentes, ce qui laisse des milliers de candidats brillants et motivés sur le carreau.
Les mêmes erreurs
Les projections montrent que, dans dix ans, nous serons revenus à des effectifs de médecins équivalents à ce qu’ils étaient dans les années 2000. Une époque où on connaissait déjà des déserts médicaux. Et, surtout, les besoins de santé ne font que croître d’année en année : la population augmente et vieillit, avec plus de maladies chroniques nécessitant des prises en charge longues.
Dans le même temps, les transformations de la société touchent autant les médecins que les autres professions : leur temps de travail reste élevé mais a nettement diminué, et ils aspirent à des fonctions plus souvent salariées avec des durées d’exercice encadrées.
Pour remplacer un médecin « d’avant », il en faut au moins deux, voire trois. Qui peut croire, avec cet effet ciseaux implacable, que dans dix ans nous serons sortis de la pénurie ? Tout en critiquant l’aveuglement coupable de leurs prédécesseurs, les responsables politiques reproduisent strictement les mêmes erreurs.
La solution de long terme existe donc, même si elle a un coût : augmenter d’au moins 30 % le nombre d’étudiants admis dans le cursus médical, et pour cela effectivement agrandir les facultés de santé et nommer plus d’enseignants et de personnels d’encadrement.
Beaucoup d’étudiants, non reçus en France, partent faire leurs études à l’étranger, au risque de ne jamais revenir et de ne pas avoir une formation adaptée à nos besoins. Quel gâchis ! Si rien n’est fait immédiatement, nous serons dans dix ans dans une situation identique à celle que nous connaissons aujourd’hui, voire pire encore.
Antoine Pelissolo est chef de service au CHU Henri-Mondor (AP-HP), à Créteil (Val-de-Marne), et secrétaire national du Parti socialiste.
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