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mardi 3 janvier 2023

Le billet de Thomas Legrand En 2023, résister à la pente réac

par Thomas Legrand  publié le 1er janvier 2023

Derrière le spectacle obscène des médias bollorisés, il y a le risque d’un glissement général vers l’extrême droite. La gauche n’a pas encore trouvé quoi lui opposer.
publié le 1er janvier 2023 à 17h48

C’est comme une lente glissade, une douce accoutumance, un progressif état général de léthargie démocratique. Ça passe par d’incessants débats sur l’identité, la religion, sur le moyen d’être toujours plus en sécurité. C’est ne plus faire la différence entre un éditorialiste conservateur et un polémiste populiste et d’extrême droite, c’est continuer à inviter sur les antennes des prétendus philosophes qui se complaisent à décrire un monde terrible et des villes pleines de «no go zones» pour transformer leur trouille en clairvoyance, c’est le délire «woke» surestimé décrit en puissant terrorisme par des réacs en pleine panique. C’est considérer Greta Thunberg comme plus dangereuse qu’Eric Zemmour.

Dîner de cons

Cette pente est tout entière résumée par la face hurlante et haineuse de ce notable du PAF, vieillissant et cachetonneur sur la chaîne CNews de Vincent Bolloré : Jean-Claude Dassier. Dassier qui lors d’un récent débat (à propos d’immigration bien sûr) invectivait ainsi un universitaire historien égaré sur ce plateau : «Mais les musulmans, ils s’en foutent de la République, ils ne savent même pas ce que ça veut dire !» Dassier représente parfaitement cet affaissement d’une partie d’anciens cadres de la télé qui se vautrent dans la diatribe raciste à coups de bon sens bourgeois. Le pire, c’est de voir sur ces plateaux des journalistes et des universitaires tenter de venir prêcher la bonne parole, de porter le fer au cœur de la bête. Ils sont en fait les invités de marque d’un vaste dîner de cons.

Dans les émissions de la chaîne, il ne s’agit pas de débattre mais de créer un spectacle vif et pas cher. On a viré les vrais journalistes, on a remplacé les éditorialistes par des polémistes, on ne s’embarrasse pas de reportage, on cherche le moindre fait divers qui met en scène des immigrés pour en faire des faits significatifs et banals. La chaîne n’est pas la plus regardée mais son modèle économique (des heures de vieux polémistes avides de continuer à exister médiatiquement) coûte moins cher que d’envoyer des reporters vérifier, contextualiser et expliquer la réalité. Et la puissance des réseaux sociaux qui relaient les tirades, insinuations et clashs aide à répandre cette médiocrité boueuse.

Mort de la nuance

Et mine de rien, ça infuse sur les autres chaînes d’infos. Les débats n’opposent plus des spécialistes d’un sujet dont les avis divergent, mais des personnes aux avis diamétralement opposés, peu importe qu’elles aient ou non étudié la question. Le clash donne l’illusion de la liberté de ton. Il n’en a que le bruit. C’est la mort de la nuance. Ce fut, avec l’irruption d’Eric Zemmour, émule de CNews, la plaie du débat national de 2022. Tout est réuni, l’écosystème médiatique, la conjoncture économique, les effets du réchauffement sur les mouvements inévitables de population, pour que la glissade se poursuive.

Ces derniers temps, la gauche, les progressistes, les humanistes, n’ont su donner de la voix qu’en proposant une forme de populisme inverse. Ça n’a rien stoppé. Le mythe de la séduction des «fâchés pas fachos» par une radicalité éructante n’a fait qu’alimenter la polarisation. L’enjeu de 2023 pour la gauche, bien au-delà du personnel politique, sera de renouer avec la nuance. Comme bonne résolution, c’est certainement plus compliqué que de se promettre de perdre trois kilos, d’arrêter de fumer, ou de réduire de moitié sa consommation de Twitter et Instagram.


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