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vendredi 6 janvier 2023

A Blois, les gardiens de la maison d’arrêt dénoncent des effectifs dérisoires et des conditions de travail dégradées

Par   Publié le 03 janvier 2023

La prison fonctionne actuellement avec moins d’une trentaine de surveillants pour 175 détenus. Le personnel a manifesté, mardi 3 janvier, pour tenter d’alerter l’administration centrale.

« Qui a envie de se faire insulter tous les jours pour 1 500 euros par mois ?  », demande Alexis, qui a souhaité garder l’anonymat, 27 ans, gardien de prison depuis l’âge de 20 ans. Après une nuit de surveillance, il a manifesté, mardi 3 janvier, de l’aube au crépuscule, avec ses collègues de la maison d’arrêt de Blois.

Tous, autour d’un brasero nourri de vieilles palettes, ont répété leur désolation devant leurs conditions de travail dégradées. Lesquelles ne concernent pas tant les salaires, finalement, que le manque criant de personnel pour gérer cette prison constamment surpeuplée. Le site compte à ce jour 175 détenus hommes pour 34 agents de surveillance, dont 6 actuellement en arrêt-maladie. « Avec un pic à 196 détenus en décembre ! Des cellules de 9 mètres carrés se retrouvent avec 2 lits et parfois même avec un matelas au sol… Et dire que nous devrions être 40 surveillants pour 115 détenus », se désole Benjamin Girard, représentant local de l’Union fédérale autonome pénitentiaire (UFAP).

Séparé d’une école maternelle par une chaussée étroite, l’établissement pénitentiaire de Blois a été construit en 1943, sous l’Occupation. Il se compose d’un étage, un rez-de-chaussée et des « petits quartiers ». « Sur certains créneaux horaires, il nous arrive de nous retrouver seul pour gérer 175 détenus, explique un gardien. Alors, au moindre retard, ça commence à taper sur les portes. Et un simple refus – comme quand un détenu veut connaître fissa le montant de son pécule – peut vite dégénérer. »

« De moins en moins protégés »

La question de l’insécurité préoccupe Manuel Caillet, délégué du Syndicat pénitentiaire des surveillants pour la région Centre-Val de Loire : « A l’intérieur, on se sent de moins en moins protégés et c’est pareil dehors. A Châteaudun, en Eure-et-Loir, un collègue s’est fait récemment agresser par des amis d’un détenu. Ils sont partis après lui avoir dit qu’ils savaient où il habitait. Tout ça à cause d’un refus de douche ! Un mois plus tôt, à Bourges, dans le Cher, deux anciens détenus ont reconnu un surveillant dans un commerce et lui ont asséné des coups. » « Certains vivent dans l’impunité totale et bien des policiers nous disent leur découragement. A notre niveau, on n’a pas de solution miracle », ajoute-t-il.

Les campagnes massives de recrutement n’ont, semble-t-il, pas porté leurs fruits. « En 2022, on a créé 1 000 postes et donc ouvert 2 promotions à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire, poursuit M. Caillet. Mais très peu de candidats se présentent à toutes les épreuves du concours et, au final, ils ne seront que 400 à sortir diplômés à la fin du mois de février. On espère à chaque fois que nos effectifs se renforcent après chaque nouvelle promotion, mais ça ne couvre même pas les départs en retraite. » A Blois, 6 postes de gardien ne trouvent pas preneur. Et 2 départs en retraite sont annoncés cette année.

Avec les moyens du bord, Emmanuel Léonard, nouveau directeur de la maison d’arrêt et ancien surveillant lui-même, tente de rendre l’atmosphère pénitentiaire plus respirable. Juste avant Noël, il a lancé le Canard libéré, une gazette interne dont les articles sont rédigés par des détenus, avec l’aide d’un professeur d’informatique. Et il vient de sceller un partenariat avec Studio Zef, une radio locale réputée, pour 25 émissions.

Surpopulation carcérale record

Pas suffisant pour Frédéric Chauvet, délégué régional UFAP : « Aujourd’hui, on nous dit que le gardien est un acteur de la réinsertion, mais il reste coincé dans une privation de liberté. » Il ajoute : « On est tellement peu qu’on ne peut effectuer que l’essentiel : déplacer un détenu entre sa cellule et la douche, son lieu de promenade ou son activité sportive, sans échanger vraiment. Je pense qu’on arrive au bout d’un système, et il faut que l’administration réfléchisse à comment le faire évoluer. »

Ce mouvement prend place dans un contexte de surpopulation carcérale record, avec 72 836 détenus pour 60 698 places opérationnelles au 1er décembre 2022, soit une densité de 120 %, et alors que le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, doit dévoiler, jeudi 5 janvier au matin, son « plan d’action » pour la justice, dans lequel sont prévues des mesures concernant la prison.


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