par Violette Vauloup publié le 6 juillet 2022
«On a jamais été si près du but», se réjouit Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps. Mercredi, Elisabeth Borne a indiqué dans son discours de politique générale que le gouvernement était favorable à une réforme de l’allocation adulte handicapé (AAH), sans toutefois formellement annoncer son individualisation pour les personnes en couple.
Aujourd’hui, 1,2 million de personnes bénéficient de cette aide financière de 919,86 euros maximum, versée tous les mois par les caisses d’allocations familiales aux personnes qui ne peuvent pas travailler en raison de leur handicap. Pour les 290 000 personnes en couple qui en bénéficient, l’aide est indexée sur le revenu du conjoint. En clair, plus ce revenu est important plus l’allocation diminue. Et, à partir de 2 270 euros par mois, le partenaire perd le droit de toucher l’AAH.
Réformer au-delà de la déconjugalisation
Lors du débat présidentiel de l’entre-deux-tours face à Marine Le Pen, Emmanuel Macron s’était déclaré favorable à l’individualisation de l’AAH. Pourtant, en octobre, une proposition de loi relative à sa déconjugalisation avait été rejetée par la majorité à l’Assemblée nationale, suscitant la colère des associations, qui pointent du doigt la dépendance financière à l’égard du conjoint entraînée par l’indexation sur les revenus sur ce dernier. Une situation pénible à supporter, qui peut être un frein à l’émancipation des personnes en situation de handicap et favorise les risques d’emprise. «L’AAH est parfois utilisée comme un moyen de pression par un conjoint violent pour que la femme ne quitte pas le couple», précise Arnaud de Broca, tout en ajoutant que la cela fonctionne également dans l’autre sens : des personnes refusent d’entamer une relation ou divorcent pour ne pas perdre l’AAH.
Pour Collectif handicaps, l’annonce de la Première ministre est donc une «très bonne nouvelle», puisqu’elle montre une «volonté clairement affichée de réformer l’allocation». Selon Arnaud de Broca, le texte pour la déconjugalisation pourrait être voté rapidement, mais d’autres questions se posent, notamment la revalorisation de l’AAH ou «la possibilité du cumul avec un revenu du travail».
Pourtant, l’annonce d’Elisabeth Borne ne convainc pas tout le monde. Cécile Morin, porte-parole du Collectif luttes et handicaps pour l’égalité et l’émancipation, souligne les «contradictions» de son discours. «Le gouvernement dit vouloir réformer l’AAH avec les associations. On peut supposer que ce sont les associations gestionnaires d’Etablissements et services d’aide par le travail et d’entreprises spécialisées, comme l’Unapei ou l’APF France handicap, qui élaborent les lois sur le handicap depuis des années. Dans le même temps, la Première ministre parle d’améliorer l’inclusion par le travail dans ces mêmes établissements, or ce sont des endroits qui ne respectent pas le droit du travail selon l’ONU, relève Cécile Morin. Les travailleurs n’ont pas le droit de s’y syndiquer ni de faire grève, touchent en dessous du smic et ça passe pour de l’action sociale.»
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