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mercredi 6 juillet 2022

CheckNews Comment «Où est mon cycle?», collectif covidosceptique, s’est fait une place parmi les interlocuteurs de l’ANSM

par Elsa de La Roche Saint-André

publié le 9 juillet 2022 
Une visioconférence qui devait se tenir mercredi 6 juillet, en présence de la directrice de l’Agence nationale de sécurité du médicament, a attiré l’attention des internautes. Parmi ses organisateurs figure «Où est mon cycle?», un collectif proche de la sphère antivax, et notamment de l’association BonSens.

Ce devait être une discussion Zoom autour des «troubles du cycle [menstruel] liés à la vaccination Covid-19». Avec une invitée de choix : Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). La réunion, initialement prévue mercredi soir, et organisée conjointement par l’association ENDOmind et le collectif «Où est mon cycle ?», a finalement été reportée. Raison invoquée : la contamination au Sars-Cov-2 de Christelle Ratignier-Carbonneil, comme le rapporte à CheckNews la présidente d’honneur d’ENDOmind, Nathalie Clary : «Mardi, l’ANSM nous a informées que sa directrice était cas contact. Et ce mercredi, on nous a finalement dit qu’elle était malade».

Avant d’être décalé («à la rentrée sûrement»), l’événement a été très décrié sur les réseaux sociaux, en raison de l’identité d’un des coorganisateurs. Non pas l’association ENDOmind, reconnue pour ses actions depuis 2014 contre l’endométriose et pour la reconnaissance de cette maladie, sous l’agrément du ministère de la Santé, mais le collectif «Où est mon cycle ?». En cause : les accointances de cette structure avec plusieurs figures et organisations appartenant à la sphère dite covidosceptique – nom donné à ceux qui remettent en cause la gravité de la pandémie de Covid-19 et critiquent sa gestion politique, en particulier la campagne de vaccination.

Né à la faveur de la crise sanitaire, «Où est mon cycle ?» est un simple collectif, sans véritable existence juridique. Ce qui ne l’empêche pas d’être particulièrement actif sur le réseau social Instagram, en premier lieu via le compte «vaccin_menstruel», dont la première publication remonte à décembre 2021. La page, qui se présente comme un outil de «recensement des effets secondaires sur le cycle menstruel qui pourraient être dus à la V [vaccination, ndlr]»,a dépassé en quelques mois les 14 000 abonnés. Elle compte deux petites sœurs, nées dans la foulée, mais bien moins populaires : «ouestmoncycle» et «ouestmalibido» (destinée pour sa part aux hommes désirant témoigner de troubles présumés de l’érection post-vaccination).

Crowdfunding, appel au moratoire et connexions complotistes

Depuis la création du collectif, début 2022, un site web du même nom a été créé : «ouestmoncycle.com», qui prétend agir, à l’aide de bénévoles, en faveur de «la santé des femmes et des générations futures». Les internautes sont invités à remplir un formulaire pour «soutenir et rejoindre le collectif», qui en retour «s’engage à protéger et à respecter [leur] vie privée». Le site revendique 4 500 «témoignages de femmes attestant de troubles de leur cycle menstruel suite à la vaccination contre la Covid-19». Il renvoie enfin vers une campagne de crowdfunding, destinée à financer «le travail entrepris» et «le plus de moyens de communications et de diffusions possibles». A date, un peu plus de 2 000 euros ont été récoltés.

Premier problème : le site ne comporte aucune des mentions légales – pourtant obligatoires pour tout site français – permettant notamment d’en identifier le propriétaire. Le site, par ailleurs, ne donne aucune information sur le nombre ou l’identité des «bénévoles».

L’un des seuls noms publics est celui de sa fondatrice, Mélodie Feron. De son nom complet Marie-Mélodie Feron Uniack, cette ébéniste se présente aussi parfois sous le patronyme de sa mère, Jolivet. Interrogée par CheckNews sur les objectifs d’«Où est mon cycle ?», cette Franco-Belge de 37 ans dit espérer que «la collecte de tous ces témoignages et leur diffusion sur Internet» contribueront à la compréhension des troubles rencontrés par certaines femmes dans leur menstruation. «Quand on se fait vacciner, et qu’une semaine après, on a une hémorragie, on est en droit de se demander si c’est lié ou pas», clame-t-elle. Et d’évoquer une ambition «immédiate», celle de «faire en sorte» que l’Agence européenne des médicaments (EMA), chargée d’évaluer scientifiquement les vaccins contre le Covid-19, «se réunisse au plus vite pour faire la lumière sur l’origine de cette perturbation». Et que, «dans l’attente des conclusions de l’EMA»«un moratoire sur la vaccination des femmes soit instauré».

Pour mener ce combat, elle s’est entourée d’«un groupe de 10 femmes très investies, qui forment le noyau du collectif». Parmi elles, une graphiste qui s’est occupée de construire le site «ouestmoncycle.com», ou encore une native du Royaume-Uni qui se charge de traduire les contenus en anglais, d’après Mélodie Feron. Qui insiste encore : «Tout est fait par ce petit noyau dur.»

La principale raison des controverses entourant le collectif réside dans le choix de Mélodie Feron de s’afficher à plusieurs reprises, ces derniers mois, aux côtés de personnalités s’étant exprimé contre la campagne vaccinale anti-Covid. Que ce soit lors d’une «visioconférence» en présence de Frédéric Beltra, qui a cofondé le collectif «Verity France» et qui attribue le décès de son fils Maxime à sa vaccination (selon rapport d’autopsie, consulté par CheckNews,il s’agirait plutôt d’«un choc anaphylactique secondaire à une allergie alimentaire»), ou à l’occasion de «l’appel du 18 juin» qui a, le mois dernier, rassemblé place de la Bastille (à Paris) tout le gratin de la galaxie «covidosceptique». Une initiative organisée par Marc Doyer, dont l’épouse est décédée de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, déclenchée, selon lui, par le vaccin anti-Covid-19 (ce qui est quasi-impossible, comme nous l’avons déjà expliqué).

Autre signe de la proximité du collectif, et de sa fondatrice, avec les sphères complotistes et antivax : la publication prochaine d’un ouvrage aux éditions Marco Pietteur. Un choix qui est loin d’être neutre : sous couvert de défendre la médecine «alternative», la maison d’édition publie des ouvrages ouvertement complotistes, comme «Vaccins, un génocide planétaire», de Christian Tal Schaller, qui estime que le vaccin anti-Covid permet de contrôler et /ou tuer une personne «via la 5G».

La quatrième de couverture du futur livre Où est mon cycle ? donne d’ailleurs le ton : «J’écris ce livre comme un devoir de mémoire, pour que nous n’oubliions jamais ces années terrifiantes de la Covid, ce à quoi nous avons été obligées, une expérimentation de masse, avant même la fin des études cliniques officielles [prévue en 2023 et 2024]. Cette injection forcée qui a détruit la vie de dizaines de milliers d’entre nous, les femmes, en France et dans le monde».

«On a beaucoup investi avec BonSens sur “Où est mon cycle ?”»

Au rang des acteurs ayant particulièrement contribué à faire connaître le collectif «Où est mon cycle ?», on retrouve, enfin, deux relais majeurs des oppositions à la gestion de la pandémie par les autorités, qui ont très tôt soutenu Didier Raoult et son traitement à base d’hydroxychloroquine : le site FranceSoir et le réseau BonSens.Tous deux dirigés par une seule et même personne, l’entrepreneur Xavier Azalbert (en tant que directeur de la publication pour l’un, et responsable de la publication pour l’autre). L’équipe fondatrice de BonSens se composait en effet de figures de proue de la sphère covidosceptique. Parmi lesquelles le professeur Christian Perronne, démis de ses fonctions de chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches par l’APHP, et personnage central du documentaire complotiste Hold-Up ; le chef d’entreprise Silvano Trotta, qui considère par ailleurs que la lune est «artificielle» et «creuse» ; Alexandra Henrion-Caude,ancienne directrice de recherche à l’Inserm, qui s’est depuis désolidarisé des déclarations de la généticienne ; ou encore l’ex-députée Martine Wonner, qui a porté à l’Assemblée la lutte contre le port du masque, la campagne vaccinale, et le pass sanitaire.

Les structures de Xavier Azalbert ont ainsi contribué à faire connaître le collectif «Où est mon cycle ?», via un message posté par Silvano Trotta sur son canal Telegram le 7 mars, une vidéo mise en ligne par FranceSoir le 8, ou encore le soutien apporté par BonSens sur son site le 15. Ce média, ce réseau et ce collectif sont par ailleurs défendus par la même avocate, Diane Protat, qui compte parmi ses autres clients «Verity France» ou «Navigants libres» (mouvement anti-pass s’adressant au personnel navigant aérien). L’avocate collabore aussi avec le site Bas les masques qui, depuis novembre 2020, prétend «offrir une information complémentaire sur les conséquences de la crise sanitaire».

Mais les liens entre «Où est mon cycle ?» et les publications de Xavier Azalbert iraient même au-delà de la simple entraide : le collectif se trouverait en réalité sous la coupe de l’entrepreneur. Dans des échanges consultés par CheckNews, le patron de FranceSoir s’en prend en effet à une autre structure, le «Comité effets secondaires post V». Une démarche portée par Eloise Soave, actuellement en procès contre Pfizer en raison des multiples pathologies dont elle souffre depuis sa seconde dose de vaccin – dont une aménorrhée (absence de menstruation), et qu’elle attribue au vaccin. D’où les regrets, exprimés par Xavier Azalbert, que coexistent deux initiatives «tellement similaires sur des sujets identiques» : «Nous, on a beaucoup investi avec BonSens sur “Où est mon cycle ?” […] Il y a une grande confusion chez les femmes qui écrivent d’un côté et de l’autre. […] C‘est nous qui avons investi à un moment. Moi, quand je dis “on a investi”, on a vraiment investi de l’argent dans cette initiative, et aujourd’hui il y a une espèce de confusion qui s’installe.» Des regrets donc, mais aussi l’aveu qu’il est, à travers son réseau BonSens, l’un des principaux piliers d’«Où est mon cycle ?».

Sollicité par CheckNews sur la nature de ses rapports avec «Où est mon cycle ?», Azalbert botte en touche : «En tant que directeur de la publication de francesoir.fr, je ne vois pas dans quelles mesures je peux répondre à vos questions. FranceSoir est un média […] et n’a aucun lien privilégié avec des collectifs.»

L’ANSM reste vigilante

La question est également éludée par Mélodie Feron, qui martèle que son «collectif reçoit le soutien de dizaines d’associations, collectifs et médias, autant en France qu’à l’étranger», et qu’il «n’a jamais reçu d’argent de Xavier Azalbert». Ce fort intérêt porté à «Où est mon cycle ?» reposerait, à ses yeux, sur le nombre de témoignages collectés, «qui a fait effet boule de neige». «Je sais que certains, chez BonSens ou Reinfo Covid [autre collectif antivax], nous soutiennent et distribuent nos tracts», reconnaît Mélodie Feron, qui prône néanmoins son «indépendance» : «J’ai fait ça pour les femmes, et en aucun cas pour être associée à quoi que ce soit. On nous a proposé de nous récupérer, et j’ai toujours refusé.»

De son côté, Nathalie Clary d’ENDOmind dit avoir tout ignoré, jusqu’à notre prise de contact avec elle, des liens qui unissent le collectif «Où est mon cycle ?» à différents acteurs majeurs de la galaxie «covidosceptique». La présidente d’honneur de l’association rappelle que l’événement était à visée «purement pédagogique», pour «informer les femmes» sur le système de la déclaration d’effets secondaires. «A l’origine, c’était ouvert à l’ensemble des associations présentes dans le groupe formé par l’ANSM, mais nous n’étions que deux à être disponibles pour cette date», ajoute-t-elle. L’ANSM a en effet engagé, il y a quelques semaines, des discussions «pour échanger sur ces troubles menstruels» avec différentes «parties prenantes», parmi lesquelles des associations comme ENDOmind ou EndoFrance, des collèges médicaux… et le collectif «Où est mon cycle ?», «convié pour partager les nombreux témoignages de femmes recueillis dans son réseau», indique l’ANSM à CheckNews (sans dire si elle connaissait son appartenance à la complosphère). Avant l’annonce de l’annulation de l’événement coorganisé par «Où est mon cycle ?» et ENDOmind, l’ANSM continuait de justifier la présence de sa directrice : «Il ne s’agit pas d’un débat. En tant qu’autorité sanitaire, notre seul objectif est la bonne information des femmes.»

A noter que si aucun lien n’a, à ce jour, été établi entre la vaccination contre le Covid-19 et les perturbations des cycles menstruels, il s’agit toujours d’un point de vigilance pour l’ANSM, qui poursuit ses études.


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