par Virginie Ballet publié le 12 mai 2021
Le gouvernement a lancé une mission d’inspection après la mort de Chahinez, 31 ans, tuée par son mari la semaine dernière en Gironde, alors qu’elle avait déposé plainte en mars contre lui et qu’il avait déjà été condamné pour violences conjugales.
Y a-t-il eu des failles ? Ce féminicide aurait-il «pu être évité», comme l’estiment plusieurs associations féministes ? Probablement, à en juger par les premières conclusions de la mission d’inspection lancée la semaine dernière par le gouvernement. Elles pointent une «une suite de défaillances qui peuvent être reprochées à différents acteurs dans la communication et la coordination entre les services», selon un communiqué laconique du ministère de la Justice, ce mercredi. «La mission doit se poursuivre pour caractériser ces dysfonctionnements et proposer les initiatives propres à y remédier», indique encore le texte.
Déjà condamné pour violences conjugales
Les conclusions définitives de ces travaux doivent être rendues publiques le 10 juin prochain. Elles devraient permettre de faire la lumière sur les nombreuses questions soulevées par la mort, le 4 mai dernier, de Chahinez, mère de trois enfants âgée de 31 ansimmolée par le feu en pleine rue après avoir été prise pour cible au fusil par son mari à Mérignac (Gironde). Déjà condamné pour violences conjugales, y compris à l’égard de Chahinez (il avait écopé de 18 mois de prison, dont 9 avec sursis en juin), l’homme était sorti de prison en décembre dernier. Il était depuis soumis à une obligation de soins et à une interdiction d’approcher sa victime ou d’entrer en contact avec elle.
Pourtant, le 16 mars, Chahinez avait déposé plainte pour agression contre lui. Recherché par la police, l’homme était resté «introuvable», selon la procureure de Bordeaux. Confiée à l’inspection générale de l’administration et à l’inspection générale de la justice, la mission d’inspection a notamment pour but «de vérifier les modalités de mise en œuvre de la mesure de sursis probatoire dont le mis en cause a fait l’objet», «d’examiner si cette prise en charge a été correctement effectuée et suivie», et d’analyser les «suites réservées» à la plainte déposée en mars par la jeune femme.
Utiliser davantage le bracelet anti-rapprochement
Interpellé sur ce féminicide lors des questions au gouvernement, mardi à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Education, qui répondait au nom du Premier ministre, en déplacement à Avignon pour rendre hommage au policier tué, a assuré que la lutte contre les violences faites aux femmes était «l’une des causes prioritaires de ce gouvernement», et mis en avant les différentes mesures récemment mises en place en la matière : recrutement de 80 intervenants sociaux en gendarmerie, déploiement des bracelets anti-rapprochement, inscription dans la loi de la possibilité de saisir les armes à feu dès le dépôt de plainte, augmentation du nombre d’ordonnances de protection déployées… Or, aucune de ces mesures ne semble avoir été appliquée dans le cas de Chahinez. «La dangerosité de son conjoint a été sous-estimée», a ainsi déclaré l’avocate de la jeune femme, Me Solène Roquain-Bardet, interrogée par France 2. Vendredi, il a été mis en examen pour homicide volontaire sur conjoint et placé en détention provisoire.
Près de 18 mois après la fin du Grenelle des violences conjugales, organisé à l’automne 2019 par le gouvernement, la mort de Chahinez est ainsi une nouvelle fois venue mettre en lumière les failles dans la prise en charge des victimes. Interrogé à ce propos ce mardi matin sur France Inter, le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, a fait savoir qu’il allait exhorter les magistrats à utiliser davantage le bracelet anti-rapprochement (qui déclenche une alerte si le conjoint se rapproche), les téléphones grave danger et les ordonnances de protection, «trois mesures opérationnelles, qui de mon point de vue ne sont pas suffisamment utilisées», a-t-il dit. Ainsi, alors que mille bracelets anti-rapprochement sont disponibles dans toutes les juridictions de l’Hexagone depuis la fin de l’année dernière, seuls 76 ont effectivement été déployés, selon des statistiques du ministère de la Justice datées du 3 mai. L’an dernier, 90 femmes ont été tuées par leur conjoint ou par leur ex. Libération raconte chaque mois, depuis le 1er janvier 2017, la vie de ces femmes.
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