- 28 JUIL. 2020
- PAR PIERRE-YVES GACHET-2
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Artaud écrivait en 1946 "Qui nous guérira de la vie". La psychiatrie aujourd'hui est au cœur du travail de deshumanisation du système capitaliste qui régit ce monde.
La psychiatrie humaniste est morte depuis qu'il n'y a plus de fous
« Qui nous guérira de la vie » Antonin Artaud 1896/1948
Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c'est l'homme même qui disparaît Tosquelles 1912/1994
Antonin Arnaud était un être génial
Son œuvre est considérable. Il était poète : « L'Ombilic des Limbes », « Le pèse-Nerfs », Essayiste, « Le théâtre et son double », « Van Gogh ou le suicidé de la société », « Pour en finir avec le jugement de Dieu », Scénariste, fondateur d'une compagnie de théâtre « Le théâtre du cruel », acteur, dessinateur.
Antonin Artaud était un grand fou.
Il fut hospitalisé en psychiatrie à de nombreuses reprises. Après un voyage au Mexique en 1936 où Artaud use et abuse du Peyotl Il rentre en France puis repart en 1937 en Irlande où il sera hospitalisé contre sa volonté et rapatrié en France.
De 1937 à 1946 il est presque constamment interné. Il sort de l'hôpital en 1947 soutenu par de nombreux artistes.
Il continue à écrire et rejoue au théâtre jusqu'à sa mort en 1948
Antonin Artaud, et beaucoup d'autres avec lui sont psychotiques (tous ne sont pas géniaux loin s'en faut!). Et je ne veux là, faire aucunement mention à une quelconque analyse clinique et à un diagnostique psychopathologique. Je veux simplement dire par là, que certains d'entre nous humains, ont un rapport au Réel tout à fait particulier. Notre monde de représentations communes constituant notre réalité leur est quelque peu étrange, voir étranger et ils souffrent de n'y trouver leur place. Il leur faut à chaque instant se réinventer le monde et ils sont en cela au cœur de la condition humaine. La maladie mentale est une maladie de la vie et tous troubles psychiques est un trouble existentiel. La folie est un débordement de soi, envahissant, marginalisant, mais parfois d'une infernale lucidité. La folie est un mode d'être au monde, avec ces aménagements plus ou moins coûteux.
Accompagner les fous, c'est chercher à renouer avec eux un pacte social possible autour d'une réalité commune. C'est ça soigner en psychiatrie, n'en déplaise aux « normalisateurs ». Ce n'est certainement pas "abraser les symptômes" à coup d' "anti-psychotiques" pour dévitaliser le sujet malade et chercher à réinsérer ce qui ne peut l'être.
Qu'est-ce que c'est que ce terme de « Santé mentale » ? Qu'est-ce que c'est que cette hygiène de l'âme ?
La santé du corps, ça, je m'imagine bien ce que cela peut être. Il y a plein de définitions de la santé dont une à laquelle je souscris bien volontiers .« La santé, c'est la vie dans le silence des organes » Leriche 1936. Que la médecine tende à restaurer le silence des organes, ça me va. Mais le silence du psychisme, si on croit encore au psychisme, le silence des affects, le silence de l'angoisse, de l'amour et de la haine, le silence des pulsions, le silence de l'incoercible nostalgie de ce qui n'a jamais été !! Il ne s'agit pas de réduire cette vie au silence, il s'agit de supporter le crie de ce trop de vie.
Ce drôle de personnage aux pieds nus qui tend à bout de bras un étrange navire, c'est François Tosquelles. Il était alors médecin à l'hôpital psychiatrique de Saint-Alban à Saint-Alban de Limagnole en Lozère. L'objet qu'il tient a été construit par Auguste Forestier, un paysan qui était fou des trains. A 20 ans, il fait dérailler un train de marchandises qui passait par chez lui pour voir que cela ça faisait, il a été interné à l'hôpital où il a passé à peu près toute sa vie.
Tosquelles est catalan. Il est né en 1912 et dès l'adolescence, il est très engagé. En même tend qu'il passe son internat de psychiatrie, en 1935, il participe à l'édification du Parti Ouvrier d'Unification Marxiste (POUM). Il se bat pendant la guerre d’Espagne dans les milices anti fascistes.
Lors de la Retirada en 1939, il franchit la frontière pyrénéenne et est interné dans le camp de Septfonds dans le Tarn et Garonne. Il organisera les soins et participera aux évasions de résistants.
En 1940 il part du camp et se réfugie à l'hôpital de Saint-Alban, accueilli par le Dr Balvet. Durant l'occupation, l'hôpital cache des résistants se faisant passer pour des patients. Paul Eluard y séjourne et devient ami de Tosquelles.
Tosquelles devient médecin-chef de Saint-Alban en 1952.
Il est le précurseur, avec quelques psychiatres de l'époque, de la psychothérapie institutionnelle. Application soignante dérivée de la psychanalyse et d'une sociologie issue directement de l'expérience humaine.
Tosquelles fait inscrire sur un vieux mur de pierre de l'Hôpital de Saint-Alban :
« Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c'est l'homme même qui disparaît «
Tosquelles meurt en 1994
Depuis....
En 1992, le diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique disparaît
En 2018 Des agents de l'Hôpital psychiatrique du Rouveray à Sotteville-lès-Rouen font une grève de la faim de deux semaines pour obtenir des postes. D'autres hôpitaux vont suivre.
En 2020, la psychanalyse n'est plus enseignée à l'université
En 2020, un très grand nombre de services d'hôpitaux psychiatriques n'ont plus de psychiatre mais au mieux un médecin généraliste.
En 2020, Selon beaucoup d'agents hospitaliers, on ne soigne plus en psychiatrie, on ne fait que gérer difficilement les crises. Le nombre d'actes de maltraitances est exponentiel. Le nombre de placements d'office est en nette augmentation.
En 2020 Après des recherches en neurosciences encourageantes, Des robots offerts puis vendus par Google entre, sont introduits dans le cadre des prises en charges auprès des personnes âgées en EPAD et auprès d'autistes en institutions.
Etc... Etc...
Histoire du camp de Septfonds ou camp de Judes
Le camp de Sepfonds où a été interné Tosquelles a été construit en février 1939 sous le gouvernement Daladier. C'était un des nombreux camps du sud de la France qui servait à interner les réfugiés espagnols après leur reddition. Jusqu'à 16000 personnes y séjourneront avant d'être envoyés sur d'autres lieux.
Après l'armistice de juin 1940, le camps va recevoir la dénomination par le gouvernement de Vichy de « centre de rassemblement pour individus dangereux » Beaucoup d'étrangers en situation irrégulière. .
A partir de 1942, Des juifs étrangers, puis de nombreux juifs français viendront remplacer les réfugiés espagnols, dont certains seront « donnés » à la Gestapo.
En septembre 1942 : Les internés juifs du camp sont emmenés en train jusqu'à Drancy puis à Auschwitz.
En 1994, un projet de création d'une porcherie intensive gigantesque (6500 porcs) est posé, et soutenu par la FNSEA, sur le lieu du camp.
Depuis, Malgré la réalisation d'une partie du projet, une résistance s'est organisée devant cette ignominie.
A ce jour, la lutte continue....
Pierre-Yves GACHET
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