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L’enfer est pavé de bonnes intentions. Parmi celles-ci, le projet de loi permettant l’hospitalisation forcée ou la mise sous tutelle d’une femme toxicomane enceinte dans le but de protéger son enfant. Une opinion de Pierre Fossion et de Christophe Leys, respectivement professeur à la Faculté des sciences de la motricité (ULB), psychiatre, chef de service psychiatrie du CHU Saint-Pierre, et professeur à la Faculté des sciences psychologiques et de l'éducation (ULB), psychologue social et clinicien. Cette opinion est également signée par d'autres professionnels de la santé. Retrouvez la liste complète des signataires au bas de l'article.
L’impératif de préserver la santé de l’enfant à naître menacée par la toxicomanie de sa mère a conduit deux membres de la Chambre des représentants de Belgique à proposer le projet de loi du 13 février 2020 visant à assurer une "protection juridique prénatale". Concrètement, il s’agirait d’établir un cadre légal permettant l’hospitalisation forcée ou la mise sous tutelle d’une femme toxicomane enceinte afin de protéger l’enfant à naître.
Il est établi que le problème soulevé par ce projet de loi est réel puisque, selon une référence scientifique internationale, 4 % des femmes enceintes consomment des drogues illégales ; 9,8 % de l’alcool et 18 % du tabac (peu de données fiables existent sur le pourcentage de consommation de médicaments psychotropes), toutes ces substances ayant potentiellement des conséquences délétères sur le développement in utero de l’enfant (Jones, H. E. 2006. "Drug addiction during pregnancy : Advances in maternal treatment and understanding child outcomes. Current Directions in Psychological Science", 15 - 3, 126-130).
Mais, si bienveillante que puisse paraître cette considération pour la protection de l’enfant à naître, elle ouvre, selon nous, la porte à de nombreuses dérives qui rendent ce projet de loi beaucoup plus dangereux qu’il n’y paraît. En effet, il peut, entre autres, laisser sous-entendre qu’une femme enceinte doit être irréprochable dans le moindre de ses comportements et se cantonner à son rôle de procréatrice. Nous proposons d’explorer les conséquences.
Risquer d’isoler ces femmes
Le premier point envisagé se rapporte à la considération de la femme en tant qu’individu responsable. Nombreuses sont les femmes qui, souffrant d’addiction, en sont pleinement conscientes, se montrent désireuses de protéger leur enfant et font de leur mieux pour gérer ce problème de santé. Dans ces cas, des structures de prise en charge sur base volontaire existent déjà comme l’ASBL Parentalité et Addictions du CHU Saint-Pierre ainsi que toutes les Maisons d’accueil socio-sanitaires (MASS). Une loi contraignante aurait fort probablement comme conséquence directe de réduire à néant le long travail de fond de ces différentes structures et d’isoler ces femmes en demande d’aide. Il est évident que les femmes enceintes souffrant d’addiction, craignant les mesures répressives évoquées dans le projet de loi risqueraient de se soustraire à toute demande de soins, se marginalisant de facto.
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