Les émotions trop fortes à connotation négative sont potentiellement un déterminant de la mort subite, tout au moins en cas de cardiopathie préexistante. Les fluctuations quotidiennes de la charge émotionnelle qui sont monnaie courante chez tout un chacun peuvent-elles influer sur le risque d’arythmie, sans pour autant entraîner le décès ? C’est à cette question que répond une étude transversale de type cas-témoins dans laquelle ont été inclus 461 sujets répartis en 4 groupes : (1) syndrome du QT long congénital (n = 160) ; (2) maladie coronarienne (n = 199) ; (3) témoins appariés selon l’âge et sexe en 2 groupes (respectivement n = 52 et n = 50).
Pendant 3 jours consécutifs, les participants ont bénéficié d’un enregistrement Holter quotidien d’une durée de 12 heures. Chaque jour, alors qu’ils étaient incités à entreprendre leurs activités habituelles, dix appels téléphoniques systématiques ont permis d’évaluer l’intensité de 16 émotions différentes au cours des 5 minutes précédant chacun de ceux-ci. Pendant ce laps de temps et à dix reprises, les données du Holter ont été prises en compte, au travers notamment de la fréquence cardiaque et de l’intervalle QT corrigé (QTc). Les analyses se sont focalisées sur les variations concomitantes de la charge émotionnelle du moment et du QTc chez chacun des participants.
Le QTc varie en fonction de la charge émotionnelle
Dans le groupe QT long, une activation significative des affects positifs ou négatifs a été associée à une diminution de la durée du QTc. A l’inverse, une faible charge émotionnelle chez un sujet calme, serein et relaxé a été associée à une augmentation de la durée de cet intervalle, laquelle, dans certains cas, a pu atteindre 500 msec. Ces résultats n’ont pas été affectés par un éventuel traitement bêta-bloquant, mais ils n’ont pas été observés chez les témoins jeunes. C’est le génotype LQT2 du syndrome du QT long qui a été le plus parlant, les anomalies précédentes étant 3 à 8 fois plus fréquentes et plus marquées que dans le génotype LQT1. Or, c’est le génotype LQT2 qui expose le plus aux évènements cardiaques favorisés par les émotions.
Par ailleurs, des constatations similaires ont été faites chez les patients atteints d’une maladie coronarienne, les affects positifs ou négatifs ayant un effet significatif sur la durée de l’intervalle QTc, tout autant que les états de calme et de relaxation, mais dans le sens inverse.
En bref, il semble que des variations même modestes de la charge émotionnelle soient capables de modifier la durée de la repolarisation chez les patients vulnérables. Ce mécanisme expliquerait au moins partie la survenue d’une mort subite lors d’émotions un peu trop fortes, qu’elles soient à connotation négative ou positive…
Dr Philippe Tellier
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