| 23.07.2018
Linguiste et enseignante chercheur à la Faculté de médecine à l'université de la Sorbonne, Pascaline Faure, contactée par Le Généraliste, a travaillé sur les noms dits de fantaisie (de marque) des médicaments : « Quand j'ai appris que Viagra® est la conjugaison de vigueur et de chute du Niagara, j'ai tout de suite été très intéressée par ce sujet ! »
Son travail a fait l'objet d'une publication en mars 2018 (American Name Society, Natesto®. What else ? News Trends in Dug Naming). Pascaline Faure s'est surtout intéressée aux noms des médicaments américains. Au total, 320 d'entre eux, approuvés par la Food and Drug Administration (FDA) pour être vendus aux États-Unis entre 2012 et 2017, ont été passés sous le crible de son scope linguistique.
Il faut d'abord savoir que les noms des médicaments, avant tout déterminés en langue anglaise, « sont aussi internationaux, c'est-à-dire translinguistiques puisque la FDA demande que les médicaments portent le même nom dans tous les pays du monde », précise Pascaline Faure.
C'est « ine »
Les noms commerciaux des médicaments ont évolué avec le temps... Ainsi, aux 19 et 20e siècles, une grande tendance consistait à ajouter le suffixe « ine », comme cela se faisait auparavant pour les noms des plantes (comme la digitaline). Ce suffixe « ine » est lié à la chimie, signifiant : « extrait de, dérivé de ».
Par la suite, les médicaments ne provenant plus de substances naturelles et devenant des produits de synthèse, leur nom s'est complexifié, mais en gardant parfois ce principe de suffixe « ine ». Ainsi, l'anticoagulant la warfarine provient du nom de l'Institut américain (Warf) pour lequel le biochimiste ayant mis au point ce médicament travaillait et finançait ses travaux.
Des médicaments super-héros voire champions
« C'est sans doute vers les années quatre-vingt que l'industrie pharmaceutique a été beaucoup plus impactante dans le choix des noms de médicaments », explique Pascaline Faure. « La tendance était alors au médicament super héros, beaucoup de produits se terminant par "or" ». Comme Tahor®, Médiator®... À noter d'ailleurs que les autorités sanitaires interviennent parfois pour « modérer certaines ardeurs marketing de l'industrie. Ainsi, aux E-U, la FDA a refusé Champix®, car trop proche de champion. Ce médicament s'appelle Chantix® Outre-Atlantique ».
D'après Pascaline Faure, depuis les années 2000, une tendance à l'italianisation, développée dans les industries automobile et agroalimentaire, a gagné progressivement le domaine pharmaceutique, avec par exemple Tagrisso®, Lynparza®... Une féminisation est aussi une tendance récente, comme Keytruda®, Lenvima®, jusqu'à l'utilisation d'un champ sémantique musical, comme Lyrica® indiqué dans les douleurs neuropathiques.
Pour information, au sujet des noms des médicaments, l'Ansm donne des « recommandations à l'attention des demandeurs et titulaires d'autorisations de mise sur le marché et d'enregistrements ».
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