L’ONG australienne Walk Free Foundation décompte 24,9 millions de personnes contraintes à un travail forcé dans le monde.
En utilisant son téléphone mobile ou en enfilant un tee-shirt, le consommateur occidental, français notamment, se rend peut-être involontairement complice d’un crime grave, celui d’esclavage. Or,l’article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’hommeadoptée en 1948 par les Nations unies dispose que « nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes ».
Dans le monde, 40,3 millions de personnes sont victimes d’esclavage moderne, selon un rapport publié jeudi 19 juillet par l’ONG australienne Walk Free Foundation, soit 24,9 millions contraints à un travail forcé et 15,4 millions à un mariage forcé. D’après cet « Indice mondial de l’esclavage 2018 », les femmes représentent près de trois quarts (71 %) des individus soumis à cette forme de barbarie, dont la prévalence est plus forte en Afrique (7,6 victimes pour 1 000 personnes), suivie par l’Asie-Pacifique (6,1 pour 1 000).
Si l’on ne tient compte que du mariage forcé, l’Afrique est de loin le continent le plus touché (4,8 victimes pour 1 000), devant l’Asie-Pacifique (2 pour 1 000). A contrario, si l’on se focalise uniquement sur le travail forcé, c’est cette dernière région qui est en tête, avec 4 victimes pour 1 000, contre 3,6 pour 1 000 en Europe et en Asie centrale.
« Les conflits récents créent de nouvelles formes d’esclavage »
La Walk Free Foundation, qui travaille depuis deux ans avec l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la question de l’esclavage, livre dans son rapport des chiffres à peu près similaires à ceux du rapport publié en 2017 en partenariat avec l’agence onusienne. Mais, cette fois, l’ONG va plus loin car elle cible tout particulièrement les pays du G20 – ce que ne peut faire l’OIT, qui collabore avec les gouvernements du monde entier.
Malgré le manque d’éléments statistiques anciens et fiables sur l’esclavage – à la différence du travail des enfants –, il semble que les progrès soient lents lorsqu’il s’agit de faire reculer l’exploitation sexuelle forcée, les mariages forcés ou le travail forcé. Si les pays occidentaux peuvent se prévaloir de risques moindres, le rapport de la Walk Free Foundation souligne cependant l’existence, en leur sein, de ces formes d’exploitation.
« Sans pouvoir encore mesurer des tendances sur le long terme, on peut affirmer que les conflits récents comme en Syrie et en Afrique créent de nouvelles formes d’esclavage, et que les migrations, qui résultent aussi des événements climatiques par exemple, sont aussi un facteur de risque important pour le travail forcé », observe Beate Andrees, la responsable du département des droits fondamentaux à l’OIT. Elle cite entre autres l’exploitation sexuelle de jeunes migrants et le travail domestique contraint jusque dans les grandes capitales. « On peut rencontrer des travailleurs forcés dans certains secteurs agricoles en Europe, dans le bâtiment et même dans la restauration. »
Encore des efforts à faire
La Walk Free Foundation veut placer les pays aux économies développées face à leurs responsabilités. « La prédominance de l’esclavage moderne découle également de la demande des consommateurs dans les pays les plus développés, qui recherchent les biens les plus récents au meilleur prix possible », dénonce Fiona David, directrice de recherche de l’ONG.
Le rapport indique que les ordinateurs – portables et de bureau – et les téléphones portables représentent la catégorie la plus importante pour les importations à risque en valeur (171 milliards d’euros annuels), suivis des secteurs de l’habillement (109 milliards) et, loin derrière, de la pêche (11 milliards), du cacao et de la canne à sucre (3 milliards et 1,8 milliard).
In fine, les économies les plus fortes – Etats-Unis, Japon, Allemagne – sont les premières importatrices de ces produits susceptibles d’être fabriqués par des « esclaves modernes ». Selon l’Index 2018, la France, qui arrive en cinquième position du classement, compte sur son sol plus de 126 000 victimes d’esclavage, soit un taux de prévalence de 2 pour 1 000 habitants. Des efforts sont encore à faire, insiste l’ONG, d’autant que « douze pays du G20 n’ont toujours pas adopté de lois ou de politiques visant à empêcher les entreprises de s’approvisionner en marchandises issues du travail forcé ».
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