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Pionnières, les salles de consommation à moindre risque de Paris et de Strasbourg ont permis de réduire le nombre de morts et la consommation de drogues dans les espaces publics.
La seizième évacuation de la «colline du crack» à Paris nous montre au moins une chose : l’insuffisance de notre modèle de prise en charge des usagers de drogues, notamment de crack. Et pourtant, les premières salles de consommation de drogues à moindre risque avaient montré la voie. Qu’attend-on pour renforcer le processus ? On meurt encore en France d’overdoses, de complications dues aux hépatites et, pour certains et certaines, des conséquences sanitaires de la vie à la rue.
Les deux seules salles de consommation à moindre risque (SCMR), à Paris et à Strasbourg, leur ont tendu la main. Elles sont aujourd’hui trop seules. Après presque deux ans de fonctionnement, les résultats sanitaires et sociaux sont probants. Pour 1 200 usagers de drogue, nous constatons des risques de surdose réduits, des infections évitées grâce à du matériel stérile et de bonnes conditions d’hygiène et une baisse des décès dus aux mauvaises pratiques d’injection ou d’inhalation.
Par ailleurs, les autorités policières et judiciaires chargées du suivi des deux salles n’ont pas observé d’augmentation du trafic aux abords des salles, ni un quelconque effet d’attractivité pour les revendeurs. Mais surtout, ces salles ont permis d’éviter près de 100 000 consommations de drogues dans l’espace public. C’est un résultat considérable lorsque l’on sait que la rue, les espaces verts ou les halls d’immeubles sont souvent les lieux de consommation privilégiés de ces usagers.
Au-delà de ce bilan positif, nous devons aller encore plus loin. En effet, à Strasbourg comme à Paris, le public accueilli vit très majoritairement à la rue ou en hébergement d’urgence, le plus souvent sans ressources, sans suivi médical, ni couverture sociale. Et comme tout citoyen, ils ont pourtant droit à être soignés, droit à être hébergés, droit à reprendre leur place dans la société. C’est d’abord une question d’éthique et d’humanité de ne pas laisser ces exclus d’entre les exclus en dehors de tout circuit de prise en charge.
Francfort dispose de quatre salles, Barcelone de neuf, Montréal de trois, et Lisbonne s’apprête à en ouvrir deux. Notre capitale, où vivent 12 millions d’habitants, ne peut se contenter d’une seule salle pour prendre en charge l’ensemble des usagers de drogues désinsérés. Pour accentuer cette dynamique positive et répondre aux évolutions des pratiques et des besoins des usagers, nous appelons le gouvernement et les responsables des collectivités à s’engager pour l’ouverture de nouvelles salles ou dispositifs mobiles de consommation à moindre risque. Une salle ou un bus d’inhalation pour les usagers de crack et une supplémentaire pour la consommation par voie intraveineuse ? Au vu de la situation dans le nord de Paris et en proche banlieue, ce serait une œuvre de salubrité et de responsabilité publique !
Nous partageons la fierté d’avoir été pionniers parmi les villes françaises à ouvrir des salles de consommation à moindre risque, comme l’ont été avant nous des hommes et des femmes militants pour l’innovation en matière de réduction des risques, mais nous aspirons à entrer dans l’anonymat des villes qui, demain, compteront de manière ordinaire ces lieux d’accueil et de soins, nécessaires à notre société.
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