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samedi 26 mai 2018

Samu : quand la défiance s’installe




Paris, le jeudi 17 mai 2018 - C’est désormais inévitable. Tout fait divers marquant s’accompagne d’une déferlante de témoignages évoquant des situations similaires. Tout se passe comme si tous voulaient appartenir à cette expérience collective de la manifestation du malheur. « Moi aussi… » est le début de tous ces récits. Les médias traditionnels participent à ce chœur en lançant des appels à témoignage. L’affaire Naomi Musenga ne pouvait échapper à une telle tendance et c’est ainsi que des centaines de personnes ont raconté comment ils avaient été éconduits, parfois brusquement, par des agents régulateurs du Samu (médecins ou non) et comment la fatalité n’avait pas toujours pu être évitée. Bien sûr on ne racontera pas toutes ces fois où l’agent du Samu rassure, envoie immédiatement une ambulance médicalisée, passe un interlocuteur médecins qui saura poser les questions les plus pertinentes. On racontera encore moins toutes ces fois où l’on a appelé en pleurant, convaincu d’une gravité exceptionnelle, et où finalement le diagnostic de grippe ou de gastro-entérite s’est imposé. 

Allons, allons…

Si l’on n’ignore donc rien du jeu médiatique inévitable, on garde dans sa mémoire de journaliste d’autres histoires qui font écho au drame vécu par Naomi Musenga. On se souvient de cette jeune mère évoquant une fièvre très élevée chez sa petite fille et dont on a probablement mis en doute sa capacité à prendre la température ou la réalité du niveau indiqué. Ce qui a abouti au décès de la jeune patiente. On se souvient de ce jeune homme, victime d’une vilaine fracture, que le médecin régulateur du Samu avait gentiment rudoyé en lui conseillant de « réduire » lui-même ce qu’il considérait comme un luxation de la rotule ; une démarche qui a probablement contraint à l’amputation. On se souvient des jeunes femmes venant aux urgences et dont les symptômes décrits ne sont pas entendus : l’embolie pulmonaire ou l’abcès cérébral ne pourront être soignés. On lit dans la presse ces accusations d’exagération lancées à de nombreux Français et qui ont parfois payé de leur vie cette fausse interprétation. 

De longues heures d’attente et de négociations parfois fatales

Ainsi, le 31 mars dernier, quand Véronique appelle pour signaler que la saturation en oxygène d’oxygène de son mari souffrant d’un emphysème est particulièrement bas, le médecin l’a soupçonné de ne pas savoir faire fonctionner l’oxymètre. Mais une vérification a rapidement prouvé qu’il n’en était rien. Néanmoins, le Samu a refusé de se déplacer, envoyant un médecin de garde qui arrivé de longues minutes plus tard a appelé les urgences. Mais quand le Samu intervient enfin, il est trop tard. Une enquête a été ouverte pour non-assistance à personne en danger par le procureur de Cahors. D’autres affaires semblables émaillent la presse aujourd’hui et ont parfois été portés devant les tribunaux. 

Un appel à la régulation médicale

Comment des professionnels des secours refusent-ils si souvent d’envisager le pire ? Comment une telle défiance s’est-elle installée vis-à-vis des patients ? Pourquoi une telle réticence à envoyer une équipe sur place ? Si les suspicions de racisme ou de sexisme ont pu être formés dans le cas de Naomi Musenga (et nous y reviendrons dans notre édition de JIM +), la diversité des personnes concernées évoque un problème plus global. Sans doute, le manque de moyens n’est pas à négliger. D’ailleurs, une nouvelle fois, les responsables des structures d’urgences invitent à une réflexion en profondeur. Ainsi, dans un communiqué commun l’Ordre des médecins, l’Association des médecins urgentistes de France et Samu Urgences de France signalent : « les Présidents des trois structures ont décidé de travailler ensemble pour répondre rapidement aux interrogations éthiques et déontologiques qui se posent en matière de gestion des appels d’urgence. L’ensemble des professionnels de santé y seront associés afin d’apporter une réponse globale et concertée, à la hauteur de l’engagement et du professionnalisme des acteurs de la médecine d’urgence, qui exercent dans des conditions difficiles au quotidien ». Au-delà de cette réflexion technique, Patrick Bouet, François Braun et Patrick Pelloux ont tenu à rappeler « que les problématiques qui s’expriment dans la gestion des appels d’urgence ne peuvent être dissociées des difficultés structurelles auxquelles est confronté notre système de santé ». Le diagnostic est sans appel et ceux qui le posent espèrent qu’il ne sera pas minimisé par les responsables publics. 

Alors qu’hier plusieurs marches blanches étaient organisées pour rappeler la mémoire de Naomi, les conséquences de cette affaire semblent largement dépasser le drame intime de cette famille dont la dignité a été saluée par tous.

Aurélie Haroche

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